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LES FOULES DE LOURDES

désespoir. Il en est très rarement ainsi, car à défaut d’un allègement corporel, la Vierge accorde presque toujours la patience et la résignation à supporter ses maux. Le déplacement est, d’une façon ou d’une autre, payé.

Nous voulons raisonner et notre pauvre entendement est si borné ! nous ne voulons voir à Lourdes que du palpable et du visible ! À cette heure où j’étais tenté de reprocher à Notre-Dame de ne pas guérir tant de malheureux, Elle s’occupait certainement de chacun d’eux, agissant au mieux de ses intérêts, sachant que si un tel redevenait valide, il perdrait par des sottises le bénéfice assuré de ses souffrances — et, dans bien des cas, Elle sauve l’âme au détriment du corps qui, s’il recouvrait la santé, devrait bien, d’ailleurs, retomber malade, ne fût-ce qu’une fois encore, pour mourir.

Enfin, sur ces champs catalauniques de la terre et du ciel, sur ce champ de bataille où il n’y a pas de cadavres mais seulement des blessés, dans cette lutte que nous engageons, à coups de prières, contre un Dieu qui résiste et qui, pour des motifs que nous n’avons pas à connaître, refuse de se rendre, que deviendrait le mérite de la Foi, si nous ne comptions que des succès ?

Je rumine ces réflexions, en suivant les voiturettes qui montent à la queue-leu-leu dans les allées pour