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LES FOULES DE LOURDES

rejoindre l’avenue de la grotte et l’hôpital ; et je me secoue, j’ai besoin, je le sens, de me détendre les nerfs, d’échapper à cette tristesse qui, malgré tout, m’accable. Je vais aller m’attabler à la terrasse de l’hôtel Royal ; là sont déjà réunis des groupes d’espagnols, de belges, de hollandais. Chaque pays y revit avec ses usages ; les prêtres espagnols fument des cigarettes, rient avec leurs compatriotes qui s’éventent, souriant à la foule, dégustant des glaces ou buvant du chocolat, séparées par une équipe de Belges en train de lamper de la bière et de fumer des cigares, du petit camp des hollandais qui prennent le thé ou savourent l’apéritif, le schiedam en fumant, eux aussi, des cigares.

Cela me rappelle les petits quartiers de l’Exposition, les cases où chacun apporte ses habitudes et implante, en France, un raccourci de sa patrie, un diminutif de ses mœurs ; ici, c’est une petite Néerlande contenue dans les quelques îlots de ses tables, séparée de la mer de la foule qui moutonne sur la chaussée, par la digue du trottoir ; les femmes, aux casques d’or, qui attiraient les visiteurs du Champ de Mars sont représentées, par deux magnifiques échantillons, non plus de servantes de bars, mais de riches fermières du Zuyderzée, venues, en grand costume, avec le casque et les tirebouchons d’or et les fines dentelles. Personne ne s’occupe des autres et chacun est chez soi, à Lourdes ; les