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LES FOULES DE LOURDES

de portefaix et de charretiers. Il n’y a presque pas de laïques dans leur pèlerinage ; aussi doivent-ils s’employer en qualité de brancardiers et de baigneurs ; tous ont la bretelle de cuir sur le dos ; ils sont échinés et il est assez juste qu’ils se reposent et se divertissent avant de reprendre, demain, leur pieux fardeau.

N’en déplaise à une ratichonne qui se plaignait à moi de ces allures, je trouve très bien ce manque de gêne, cette franchise de tenue chez des gens qui se considèrent tels que des enfants venus de loin pour rendre visite à leur Mère ; Elle les reçoit, en effet, ainsi qu’une mère, les dispense de toute cérémonie, les installe commodément et les gâte. Ils sont chez eux en étant chez Elle ; quoi de plus naturel, quoi de plus simple ?

Et puis, cet attablement au café, ces cordiaux que l’on avale sont vraiment utiles ; je le sens bien, par moi-même, moi, qui n’ai pas cependant trimé comme eux. Je suis las de plaies, de prières, de cris ; les voiturettes des malades continuent de passer et je ne veux plus les regarder. Tout au plus, suis-je ému par la lamentable vision d’une grande jeune fille qu’on enlève, devant l’hôtel, de sa voiture et qu’on porte sur les bras, jusqu’à l’ascenseur, pour la remonter dans sa chambre. Elle est si défaite, si pâle qu’elle ferait pleurer de pitié ! mais non, je détourne les yeux, je ne veux