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LES FOULES DE LOURDES

subitement, dans le sillage scintillant, de grands trous se font ; le vent a éteint des cierges et des mouches de feu volent pour les rallumer et les trous noirs disparaissent, bouchés par des paquets de flammes !

Et cela tourne, tourne, sans arrêt, dans un vacarme d’Ave, soutenu par les cuivres de la fanfare ; au loin, l’esplanade qui déborde, fait songer à une plaine dont la récolte se carbonise, à des champs d’épis en ignition ; et les tiges de cette moisson qui brûle projettent un éclairage de théâtre sur les arbres des alentours dont le vert s’albumine et se décolore.

En face de la grotte, le long du Gave, de minuscules cortèges s’organisent encore et l’on croirait voir des essaims de vers luisants qui ondulent sur la terre puis se muent, rejetant leurs chrysalides de nuit, à mesure qu’ils montent en voltigeant, dans les lacets de la colline, en des phalènes d’or. Ces cierges chantent, mais leur faible voix que l’on entend à peine finit par se perdre dans l’énormité de l’ensemble qui ébranle l’ombre des monts.

Ah ! l’étrange vision et le délirant spectacle de cette foule accourue de tous les pays de l’univers, dans ce petit coin de rien du tout, pour prier la Vierge ! à quelques pas d’ici, c’est la campagne silencieuse, la campagne noire ; et tous ces gens qui veillent, si loin de leurs patries, disent la même chose dans des idiomes différents et pensent de