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LES FOULES DE LOURDES

sont encore elles qui endurent les premiers chocs démoniaques et prennent à leur compte les méfaits commis. Aussi, sont-elles parfois écrasées par d’incroyables maux qui ne sont pas guéris par l’eau de la Grotte, ceux-là !

L’on me parlait, l’an dernier, d’une de ces saintes atteinte d’une enflure telle qu’elle ressemblait plus à une mongolfière qu’à une femme ; elle ne pouvait rester, ni assise, ni debout et la posture sur le dos, était intolérable ; ce n’était pas une hydropisie ; c’était on n’a jamais su quoi ; elle mourut, radieuse, enviée par ses compagnes et il fallut fabriquer un cercueil exprès, pour l’inhumer.

Ce que ce petit couvent de Lourdes, jeté au bord du torrent dont il entend, jours et nuits, le fracas régulier, est triste ! il est entouré d’un jardinet minuscule en pente, et l’on aperçoit, par dessus ses murs, les croix de bois de son cimetière. Les moniales ont bien peu de place pour se promener ; leur vie est atroce et divine : jeûnes permanents, jamais de viande, sommeil coupé en deux tronçons, coulpes et offices, hiver comme été, les pieds nus ; elles vivent de quoi ? des quelques aumônes déposées dans une sorte de marmite à couvercle installée dans la chapelle ; quand ce tronc est vide, elles demandent leur pâture à l’évêché ; mais elles ne reçoivent que la somme nécessaire pour assurer les repas d’un jour, car elles ne peuvent posséder, ni