Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
LES FOULES DE LOURDES

en argent, ni en provisions, la moindre avance ; elles doivent être pauvres et elles le sont pour de bon, celles-là !

Cela nous change un peu de ces autres Ordres, âpres au gain et hantés par la manie des bâtisses, que la Providence a laissé balayer, de même que des épluchures de piété, de notre sol !

La sœur interrompt mes réflexions, en me venant quérir ; elle m’annonce que l’Abbesse est au parloir et elle m’introduit, au sortir de la chapelle, dans une petite pièce, blanche et nue, où je m’assieds sur une chaise de paille, tout contre une grille de fer noir, garnie de broches, et fermée encore, derrière ses barreaux, par une plaque de fonte, percée, ainsi qu’une écumoire, de trous ; mais, au lieu d’être ronds, ils sont allongés en fentes de tirelires et la conversation, pénible derrière ce blindage qui assourdit les voix, s’engage ; je demande à l’Abbesse de me relater, par le détail, le miracle dont j’ai ouï parler et j’entends le petit rire gai d’une vieille femme, accompagné par le rire plus jeune de la sœur discrète qui l’assiste.

— Oh ! c’est si loin, Monsieur, il y a vingt-cinq ans de cela ; pensez donc !

Enfin, sans se faire prier, elle me raconte son histoire :

— Elle était sœur, sous le nom de Marie des Anges, dans la maison des Clarisses-Colettines