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LES FOULES DE LOURDES

drait. Notre mère hésitait toujours quand le cardinal Caverot, alors archevêque de Lyon, vint en visite à l’abbaye. Notre mère, devant moi, lui soumit le cas. Son Éminence pensa que je devais partir, mais quand je lui demandai, comme à mon supérieur, si je devais solliciter de la Sainte Vierge ma guérison, il me repondit textuellement ces mots : « Ma fille, je n’en ai pas l’inspiration. »

On m’embarqua donc, pour constituer la première malade du nouveau monastère ; le voyage fut bien pénible, mais tout le monde, en route, était si attentionné, si charitable pour moi ! — Il fallait, en descendant des trains, me coucher sur une civière et, chaque fois qu’on me bougeait, j’étais sur la croix ; enfin j’arrivai, presque morte ; on me traîna tant bien que mal jusqu’à l’entrée de ce couvent et la mère Térèse me fit intimer l’ordre de ne pas me baigner et de réclamer ma guérison.

On me transféra donc à la grotte — c’était le 17 septembre 1878. — Là, on m’étendit par terre, derrière un autel roulant et on me laissa.

J’ignorais à qui je devais obéir, au Cardinal ou à l’Abbesse ? au fond, l’idée de guérir me désolait ; pensez donc, je n’avais plus, de l’avis de tous, que quelques jours à vivre pour être auprès du Bon Dieu… enfin, je m’abandonnais à sa volonté, en pleurant, quand un évêque, suivi d’un Monsieur de Lyon que je connaissais, pénétra dans la grotte.