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LES FOULES DE LOURDES

Cette race semble avoir gardé quelque chose de sa sauvagerie d’antan ; on la sent encore brute et fière, rude pour les animaux, cruelle presque, à l’état latent, civilisée seulement par les besoins des achats et des ventes ; on la sent brave et tenace, mais batailleuse aussi ; et il est très certain que si, sous le ministère de Combes, l’on avait, comme le demandaient alors les mégères masculines du Bloc, interdit les pèlerinages et fermé la grotte, tous ces chasseurs de sangliers auraient combattu à coups de fusils dans la montagne. La Vierge aurait profité de cette défense opiniâtre de leurs intérêts, mais l’Iscariote des Charentes le sut et il se tint coi.

Ce n’est pas jour de marché, aujourd’hui, dans l’ancien Lourdes, mais il n’en est pas moins bondé de monde, car les rues sont encombrées de pèlerins qui stationnent devant les boutiques d’objets de piété où se lit le nom des Soubirous et des enseignes annoncent que le tenancier est le frère ou le parent de Bernadette ; la famille agite, ainsi qu’un pavillon de commerce, le nom de la voyante. L’on visite, dans une ruelle, le moulin que ses parents habitèrent. De même que toutes les maisons devenues pieusement historiques, cette demeure est décorée de quelques portraits de l’héroïne et d’images religieuses plus ou moins laides. C’est une très misérable masure, meublée de pauvres ustensiles de ménage et du lit de Berna-