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LES FOULES DE LOURDES

dette, entouré d’un grillage, afin de le préserver des fanatiques qui avaient commencé à le taillader à coups de couteaux, pour faire, des fragments enlevés de son bois, des reliques.

Et c’est tout ce qui reste, ici, de la sainte fille dont les révélations ont transformé ce trou, inconnu avant elle, en une ville célèbre dans l’univers entier.

L’on a l’impression, dans cette chambre sale et sombre, à peine balayée, d’une tombe abandonnée, sans une couronne, sans une fleur, dans un cimetière où l’on n’enterre plus ; et l’on se prend à vitupérer l’oublieux égoïsme de ce Lourdes qui s’est rajeuni depuis les apparitions de la Vierge à son enfant, depuis surtout que, grâce à elle, les multitudes y affluent. Il s’est, à plus justement parler, changé de village en ville. Des devantures de magasins de luxe, des épiceries assorties, des pâtissiers de choix ont remplacé dans les rez-de-chaussée des rues, ces logis où l’on apercevait, en passant, des vieilles femmes à besicles, travaillant dans le cadre d’une fenêtre. Les campagnards sont maintenant des hôteliers et des marchands de cierges et leurs femmes se sont muées en des dames qui paradent, dans d’éclatantes toilettes, les dimanches. Ils vivent dans l’aisance et réaliseraient, sans se donner aucun mal, d’amples fortunes si la rage de paraître et la certitude que la tonte des pèlerins