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LES FOULES DE LOURDES

durera toujours, ne les incitaient à dépenser encore plus d’argent qu’ils n’en gagnent.

Si, demain, la Vierge quittait la grotte, tous ces gens qui ont élevé de somptueuses auberges, succomberaient sous le faix des dettes et ce serait la saisie de la brocante religieuse, la faillite générale de Lourdes.

Quant à la piété de ce monde-là, il faudrait, pour la jauger exactement, qu’elle ne rapportât plus. Un mot de quelqu’un qui vécut parmi eux et les connaît bien peut la résumer : « le respect humain est à rebours, ici ». À Paris, des hommes de peur d’être montrés au doigt se cachent pour faire leurs Pâques ; à Lourdes, c’est le contraire ; les hommes les font ostensiblement pour n’être pas remarqués et ne mettent, bien entendu, plus les pieds à l’église, après ; j’ai peur que cette piété n’appartienne qu’au décor des magasins de bimbeloteries ; elle aide, en tout cas, à hameronner l’acquéreur ; elle est secourable à l’écoulement des soldes.

Jadis, lorsque je venais dans la ville, j’allais à l’ancienne église de Saint-Pierre qui était une église de campagne, charmante. Imaginez une bâtisse romane, réparée tant bien que mal, mais conservant encore, dans certaines de ses parties, l’étampe du xiiie siècle ; elle possédait de vieux bois polychromes intéressants, entre autres, une Notre-Dame du Mont-Carmel tendant un scapulaire