Page:Huysmans - Les foules de Lourdes (1907).djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LES FOULES DE LOURDES

decins de la Compagnie d’Orléans, qui auraient été heureux, dans l’intérêt même de leur cliente, de le juger guérissable, ont déclaré qu’il était perdu, c’est qu’il l’était réellement.

Le pronostic était, d’ailleurs, juste ; l’état de Gargam empira ; l’on s’aperçut, un jour, que ses pieds étaient noirs ; on crut qu’ils étaient sales, mais dès qu’on toucha la peau des doigts pour les nettoyer, elle éclata et le pus jaillit. C’était la gangrène, en plus.

Gargam n’avait pas la foi, mais sa famille l’avait et priait ardemment pour lui ; la médecine s’avouant impuissante, même à le soulager, on résolut de l’emmener à Lourdes. Il se laissa faire pour ne pas désespérer sa mère, mais il ne crut pas du tout qu’il serait guéri. On le transféra sur un brancard spécial muni d’un matelas que l’on hissa dans le train. Un peu avant d’arriver en gare, à Lourdes, sa mère lui montra du doigt le grand Christ érigé sur la montagne du chemin de croix et lui demanda de lui envoyer un baiser ou tout au moins de le saluer.

Il refusa, en détournant la tête.

Amené sur son brancard aux piscines, on le fit glisser, tandis que tout le monde priait, attaché sur une planche, dans le bain. Il s’évanouit, puis rouvrit les yeux et se dressa debout. Cet homme, épuisé par vingt mois de maladie, réduit à l’état