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LES FOULES DE LOURDES

ici, l’on finirait, ma parole, par se désintéresser complètement des affections courantes et ne plus s’exalter que devant des échappés de maladreries, devant des monstres. Le vertige des excès vous gagne ; je sens cela maintenant que ces déballages de bestiaires sont clos ; mais ce que j’éprouve surtout, à ce moment-ci, c’est le besoin de ne plus bouger, le besoin de ne plus humer cette senteur de poussière, de vanille, et de pus qui est l’odeur sigillaire de Lourdes.

Le spectacle que je vois de ma fenêtre, la nouvelle ville couchée dans le fond de cuvette de ses monts ne m’enthousiasme guère Est-ce parce que je suis issu par la ligne paternelle de pays maritime et de sol plat, mais je constate que j’ai de moins en moins le sens de la montagne ; elle me produit l’effet d’un océan figé ; la seule vie qui l’anime est due à une supercherie du ciel ; les nuages qui se meuvent sur les pics, jouent le rôle de vagues muettes, ils bondissent et crêtent leurs cîmes sèches d’écume ; sans eux, ce serait l’immobilité absolue, la mort de la terre stérilisée par l’abus des froids. Le pis est qu’en étant très hautes, ces montagnes n’ont pas l’air d’être élevées, qu’elles ne suggèrent pas une idée d’infini mais une impression d’étouffement. Ah ! décidément, je ne suis pas Alpiniste pour deux sous ! les ascensions cabotines qui se pratiquent, ainsi que chacun sait, avec des jarrets ser-