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LES FOULES DE LOURDES

imprégnée des effluves divins des guérisons. La Vierge a voulu des foules, ainsi qu’au Moyen Age, Elle les a ; sont-ce les mêmes ? sans doute, l’âme ingénue et la foi naïve des vieilles paysannes n’a guère changé ; l’existence même que ces multitudes mènent, ici, couchant dans le Rosaire, mangeant sur les bancs et sur les pelouses, rappelle la vie des cohues d’antan, couchant dans la cathédrale de Chartres — dont le pavé s’inclinait en pente exprès pour qu’on pût le nettoyer à grande eau, le matin, — ou campant autour de la Vierge noire, en plein air, dans les plaines de la Beauce ; mais tout s’est encanaillé ; la magnificence de la cathédrale, l’attrait des costumes, l’ampleur des liturgies tutélaires ne sont plus. Lourdes, né d’hier, s’est développé dans l’insalubre berceau de notre temps et il expire le fétide relent des industries qui l’accablent ; un jour, alors qu’une des sœurs bleues de Beaune sous son hennin et son splendide habit du xve siècle, priait, agenouillée, les bras en croix, j’ai eu la transportante vision des anciens âges, mais l’arrivée de dévotes modernes, avec leurs faces confîtes, leur remuement simiesque des badigoinces, leurs maigres doigts roulant des boulettes de chapelets, leurs funèbres chapeaux et leurs robes aux teintes funestes de fonds de cheminée et de cendre, m’a rejeté dans l’implacable dégoût de mon époque et j’ai pensé que s’il était salutaire de visiter Lourdes, il ne