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LES FOULES DE LOURDES

fallait pas s’y attarder longtemps, car le côté dramatique des cures qui vous émeut furieusement tout d’abord, s’émousse à la longue et alors la hideur de tout ce qui vous entoure, de tout ce que l’on voit, domine.

En somme, les impressions que l’on emporte sont de deux sortes et elles sont hostiles, l’une à l’autre, inconciliables.

Lourdes est un immense hôpital Saint-Louis, versé dans une gigantesque fête de Neuilly ; c’est une essence d’horreur égouttée dans une tonne de grosse joie ; c’est à la fois et douloureux et bouffon et mufle. Nulle part, il ne sévit une bassesse de piété pareille, un fétichisme allant jusqu’à la poste restante de la Vierge ; nulle part encore, le satanisme de la laideur ne s’est imposé, plus véhément et plus cynique.

Oui certes, cela est bien misérable, cela incite à quitter cette ville et à n’y jamais remettre les pieds, mais c’est l’imprudent revers d’un inégalable endroit ; la face. Dieu merci, diffère.

D’abord, il y a la foi de ce peuple réuni pour exorer la Vierge, une foi qui ne jaillit, nulle part, en des laves brûlantes comme ici ; et jamais de défaillance ; aujourd’hui Notre-Dame demeure sourde aux supplications. Elle détourne la tête et se tait ; personne ne se plaint ; tous continuent de prier et de croire ; la foule se charge, pour ainsi dire, et