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LES FOULES DE LOURDES

se comprime dans l’attente, afin d’exploser dans les gerbes de flammes des Magnificat, alors que, devant le Saint-Sacrement ou au sortir des piscines, le malade, projeté debout, se dresse ; c’est un retour à la fiance résolue du Moyen Âge ; c’est aussi la fusion des classes, confondues en une unique dilection, en un unique espoir.

Puis, il y a la charité exaltée plus que partout sur la terre à Lourdes. Pour quelques ardélions qui regardent travailler les autres et leur distribuent, à tort et à travers, des ordres, combien de gens, au lieu d’excursionner sur les montagnes ou sur les plages, viennent passer leurs vacances dans ce bourg et les occupent à tirer des petites voitures et à baigner des infirmes ; parmi ces gens, il en est qui sont jeunes et riches et qui pourraient voyager plus joyeusement et se divertir ; il en est d’autres qui sont des commerçants et qui laissent leur négoce, pendant un mois, pour faire le métier de cheval de fiacre et de portefaix et ce sont souvent les seuls congés qu’ils puissent s’accorder ! Combien de dames, telles que cette bonne vieille accompagnant la petite aux pieds pourris par la gangrène qui abandonne sa famille et ses appartements, pour venir coucher sur un grabat et veiller, la nuit, des alités ; et tout ce monde est si tenu par sa tâche et si fatigué qu’il n’a même pas la consolation d’aller, ainsi que les autres pèlerins, autant qu’il le vou-