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LES FOULES DE LOURDES

s’écardent en descendant ; quant aux cônes dont les têtes sont éternellement blanchies par les neiges, ils ont complètement disparu dans la brume ; à mesure que les averses tombent, tout se brouille ; le grand et le petit Gers, les deux montagnes les plus proches, ressemblent, dans cette buée, à d’immenses pyramides de mâchefer, à des tas gigantesques de cendre.

La tristesse de ce ciel rayé en diagonale par le fil des pluies ! en bas de la chaîne de ces monts, juste devant moi, le Gave, en un torrent qui ruisselle, jours et nuits, bouillonne sur des quartiers de rocs et, avant de s’étendre plus loin, en une tranquille rivière, ceinture d’écume un bâtiment surmonté d’un clocher pointu et entouré d’un maigre jardinet planté de sapins et de peupliers. L’on dirait d’un pénitencier de cette bâtisse percée, très haut, dans des murs très droits, de minuscules lucarnes ; c’est le couvent des pauvres Clarisses ; à gauche, un pont enjambe la rivière et relie au nouveau Lourdes dont j’aperçois les maisons, la vieille ville que domine un antique donjon qui paraît fabriqué pour un décor d’opéra, avec des châssis de toiles peintes ; on le croirait factice ; enfin, à droite, l’esplanade et ses arbres menant au Rosaire et à la double rampe que surplombe la basilique dont le profil se détache, tout blanc, sur le coteau des Espélugues où, pour figurer