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LES FOULES DE LOURDES

sur les chemins en ziggag de ses flancs : c’est un pèlerinage du Quercy qui serpente, précédé d’une bannière, en clamant, avec des voix en tôles que l’on bat, un cantique où l’on distingue des « De Dious la rouzado » et des « pitchoun ».

Ceux-là, je les connais ; ils sont, en quelque sorte, les charbonniers de Lourdes ; tout est noir en eux, habits, coiffes et robes ; pas même une tache blanche de linge, près du cou ; jusqu’à leurs traits qui paraissent accentués par des coups de fusain. Hier ils rôdaient, renfrognés, en une ribambelle de pieux margougniats dans les rues de la ville ; et les marchands, qui savent qu’ils n’achètent rien, gouaillaient, en les regardant jargonner devant leurs devantures.

Et tandis que ce Midi sombre chemine, en beuglant, sur les lacets du coteau, on est parvenu, tant bien que mal, à tasser les Bretons près de la grotte, et ils écoutent maintenant le sermon de l’un de leurs recteurs, huché dans la chaire. Ils se tiennent découverts et attentifs et, quand le chapelet se dévide, tous fixent, béats, la statue blanche et bleue de Notre-Dame. On les bouscule, on les bourre, on pressure leurs vastes pieds pour ouvrir dans leurs rangs une nouvelle voie pour les grabataires, nul ne se plaint et ne s’interrompt de prier ; ce ne sont plus les patauds endormis de tout à l’heure, mais de braves et d’humbles gens qui im-