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LES FOULES DE LOURDES

L’entrée de l’hopilal est dénuée de pompe ; dans la cour qui le précède, derrière ses grilles l’isolant de la rue, c’est un bivac de voiturettes. À cette heure, toutes sont de retour de la grotte et des brancardiers, rompus de fatigue, s’étendent, à la place des patients transférés dans leurs lits, sur les coussins ou causent, en fumant, avec d’autres qui vont et viennent, tenant des tasses de bouillon et de lait, destinées à des infirmes couchés sur des civières, sous les arcades longeant ces terribles salles du rez-de-chaussée, les salles des grands malades où s’entasse l’exorbitante horreur des maux incurables, des agonies charriés dans de mauvais wagons de troisième classe, de tous les coins de la France et de l’étranger, à Lourdes.

Celle de droite, réservée aux femmes, vous chavire le cœur lorsqu’on y pénètre ; elle est bondée de lits très rapprochés les uns des autres, et dans ces lits gisent des femmes immobiles qui, tout en ayant les yeux fermés, ne dorment point, car soudain ils s’ouvrent, effarés, et se referment. Quels visages hâves et exsangues ! quelle expression de lassitude de tout et de regret de la vie, de vague espoir et de peur ! — Et la misère des paquets, l’indigence des loques et des cartons, des valises à quatre sous, entassés près des couches, ajoute la pitié de la détresse matérielle à la compassion de la souffrance de ces pauvres êtres !