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LES FOULES DE LOURDES

concordent et concluent à l’impossibilité de guérir un lupus arrivé à un état d’acuité pareille.

Ce que l’on a tenté, pour entraver la marche de cet ulcère, est incroyable ; on a saccagé la mâchoire de la malheureuse, en lui arrachant les dents ; on l’a cautérisée sans mesure et le lupus n’en a pas moins continué de la dévorer vive et de répandre une odeur si nauséabonde que personne n’osait plus la panser. La figure était devenue quelque chose d’effrayant. Le nez et la bouche confondus s’ouvraient en un rouge cratère d’où coulaient des filets de lave couleur de soufre ; les joues étaient percées de deux trous de l’épaisseur d’un petit doigt et qu’il fallait boucher avec des tampons de ouate lorsque la pauvre femme s’apprêtait à manger ou à boire, de peur que les aliments et la boisson ne sortissent par ces ouvertures. Sa situation était devenue si atroce qu’elle avait résolu de se jeter dans la rivière. Un vicaire de l’église de Saint-Maximin, à Metz, où elle résidait, l’abbé Hamann, l’en empêcha et la fit admettre parmi les malades que le pèlerinage de cette ville expédiait à Lourdes.

Arrivée devant la grotte, elle prie, puis baigne ce qui lui sert de visage, à la piscine. Le lendemain, elle recommence à s’imbiber la face avec une éponge et sans plus de succès ; ce même jour, honteuse, se sentant un objet de dégoût pour tout le monde, à