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LES FOULES DE LOURDES

Et, tandis que nous nous entretenons de ce phénomène inouï, la bonne femme arrive et salue, en riant, le docteur ; elle peut avoir 54 ans ; elle est grosse, marche pesamment, a l’air tout à la fois d’une paysanne et d’une loueuse de chaises, dans une église. Je regarde la figure, elle est celle de quelqu’un qui se serait autrefois brûlé ; elle est mâchurée de rose et veinée de blanc ; les traces des cicatrices sont apparentes. Cette femme est évidemment laide, mais d’une laideur qui ne répugne pas.

Et pendant que les médecins qui se trouvent dans le bureau l’examinent, je cause avec le docteur Boissarie de cet autre cas de lupus dont Zola a vu la guérison, à Lourdes, celui de Mlle Marie Lemarchand, de Caen, devenue, sous le nom d’Élise Rouquet, l’un des personnages de son livre. La guérison qui eut lieu, le 20 août 1882, fut ainsi que celle de Mme Rouchel, qu’elle précéda, instantanée.

Mais, elle, se sentit guérir. À peine se fut-elle lotionnée dans la piscine qu’elle éprouva d’atroces douleurs, puis eut l’immédiate certitude qu’elle était guérie ; et elle l’était, en effet ; un médecin, le Dr d’Hombres, qui se tenait là et qui l’avait remarquée, tandis qu’elle lavait l’horrible bouillie de sa face, et qui l’examina aussitôt après sa sortie de la piscine, a très nettement déclaré ceci : « Au lieu de la plaie hideuse, je vis une surface sèche,