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HISTOIRE DES BERBÈRES

sans de la tribu de Medfouna, et Abd-el-Mélek-Ibn-Sekerdîd-es-Sanhadji avec une troupe de deux mille Sofrites sanhadjiens.

Omar-Ibn-Hafs, se voyant cerné de toute part, chercha à semer la désunion parmi les assiégeants, et comme les Beni-Ifren, tribu zenatienne, étaient plus à redouter que tous les autres Berbères, tant par leur nombre que par leur bravoure, il acheta la neutralité de leur chef, Abou-Corra, au prix de quarante mille (dirhems)[1]. Il en donna quatre mille de plus au fils de cet émir pour le récompenser d’avoir conduit à bonne fin cette négociation. Les Beni-Ifren s’éloignèrent alors de Toba, et Ibn-Rostem, voyant ses troupes attaquées et mises en déroute par un détachement de la garnison d’Omar-Ibn-Hafs, s’empressa de ramener à Téhert les débris de son armée. Omar marcha alors contre les Berbères eibadites commandés par Abou-Hatem, et aussitôt qu’ils eurent quitté leurs positions pour aller à sa rencontre, il profita de ce faux mouvement et se jeta dans Cairouan. Ayant approvisionné cette ville où il laissa aussi une forte garnison, il alla livrer bataille à Abou-Hatem, mais, dans cette rencontre, il essuya une défaite qui l’obligea à rentrer dans Cairouan. L’armée berbère-eibadite, forte de trois cent cinquante mille hommes, dont trente-cinq mille cavaliers, cerna aussitôt la ville et la tint étroitement bloquée[2].

  1. La valeur moyenne du dirhem peut être fixée à douze sous ; et celle du dinar d’or à dix francs.
  2. Notre auteur, en écrivant ceci, aurait dû se rappeler ses propres paroles : « Rien n’est plus fréquent, a-t-il dit dans ses prolégomènes, que de voir les annalistes, les commentateurs et les écrivains qui ne font que copier ce que d’autres ont raconté, commettre de graves méprises dans le récit des événements parce qu’ils se sont habitués à admettre avec une confiance aveugle ce que d’autres leur avaient transmis, sans le juger par les règles de la saine critique et sans épurer les récits qu’ils adoptent par de profondes et mûres réflexions. Il est arrivé de là qu’ils se sont égarés dans le vaste champ de l’erreur et des vaines imaginations, surtout en matière de nombres, comme, par exemple, quand dans le cours d’un récit, il s’est agi de déterminer le montant des richesses de tel ou tel personnage, ou la force des armées. C’est en ces matières qu’il est très-facile de se laisser aller au mensonge ou à l’exagération. » (Voyez la Chrestomathie arabe de M. de Sacy, tome i, page 371.)