Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/115

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vaillent pas et qui ruinent le pays par leurs exactions et leurs rapines. Au-dessous de tout, le peuple misérable, exploité à outrance. Pas de classe moyenne intermédiaire.

Prérogatives du Roi avant le Protectorat Français. — Le Roi exerçait le pouvoir le plus absolu et le plus illimité, il était seul gouvernant et seul propriétaire du royaume. Il nommait à toutes les dignités, ses décrets avaient force de loi ; il fixait la quotité de l’impôt et avait le droit de vie et de mort, le droit de grâce et de révision de tous les jugements.

D’après Aymonier, ancien résident au Cambodge, à qui j’emprunte beaucoup de détails, tout Cambodgien qui croyait avoir à se plaindre d’un déni de justice, pouvait employer le rong deyka en se rendant au palais à l’heure de l’audience du Roi et en faisant taper quelques coups sur un tam-tam, par un fonctionnaire à qui on payait quatre ligatures (deux tiers de piastres) par coup. Le Roi envoyait prendre la plainte. Le sar tuhk ne coûtait rien. Il suffisait au plaignant de se prosterner sur le passage du Roi et de tenir sa plainte écrite, élevée au-dessus de sa tête, jusqu’à ce que le Roi l’eût fait prendre.

Le Roi est réputé d’origine divine et ajoute à son nom des qualificatifs ronflants : « descendant des anges et du dieu Vichnou, plein de qualités comme le soleil, seul précieux comme le cristal, etc., etc. » Aussi ne lui parle-t-on que prosterné à quatre pattes. Personne n’oserait le réveiller, si ce n’est une de ses femmes qui lui touche légèrement le pied. C’est un crime de lèse-majesté que de porter une main profane sur sa personne sacrée ; le résident Moura raconte à ce sujet, qu’en 1874, Noro-dom, ayant été projeté violemment de sa voiture, resta évanoui sur le sol. Aucun des Mandarins, ou serviteurs