Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/130

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sur l’échelle de la case où se trouve son bonheur futur ; il resalue encore à la porte, en entrant dans la maison qu’il habitera désormais, pour faire son double stage de service et de cour à sa fiancée, à laquelle il n’a jamais peut-être, jusqu’à présent, adressé la parole. Les mœurs locales, empêchant, en général, la fréquentation des jeunes gens de sexes différents, rendent nécessaire cette sorte de stage, qui permet de faire à sa future une cour ouverte.

Le porteur d’eau, chevalier galant, est aux ordres du père, de la mère et de la fille, qui le font trotter à leur gré : comme compensation, sa future lui prépare sa nourriture, ses chiques de bétel et lui roule ses cigarettes. M. Aymonnier ne dit pas si elle pousse la condescendance jusqu’à les lui allumer. L’intimité s’établit plus ou moins vite : au début, la pudique fiancée n’ose pas sortir de l’intérieur de la case, et elle fait porter au galant les chiques et les cigarettes par une petite sœur ; quand elle les offre elle-même, cet acte est considéré comme un aveu de sympathie.

Par surcroît de précautions, le fiancé couche dans la cuisine et se trouve séparé de la chambre de la fiancée par celle des parents.

Il est cependant, avec la morale et la pudeur, des accommodements, car, lorsque le stage dure trop longtemps, un ou plusieurs bébés peuvent assister à la cérémonie du mariage de leurs procréateurs. Cela arrive surtout dans la classe pauvre, où le mariage est retardé quelquefois d’une ou plusieurs années. Il faut dire aussi que la loi reconnaît la cérémonie des fiançailles comme un demi-mariage, et accorde aux fiancés des droits, en leur imposant aussi des devoirs. Une fois la fille séduite (et ici le mot séduction implique l’abandon de la virginité), le fiancé ne peut plus se retirer.

D’autre part, la fille, une fois le fiancé agréé, n’a pas