Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/320

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de tête, on voit d’ici celle du général, qui eut le bon esprit de rire.

Je m’emmerde et je voudrais un homme. — Un gouverneur de la Colonie eut l’idée, pendant une tournée à Bourail, de visiter les dames du couvent. Après avoir passé en revue les pensionnaires, qui faisaient tous leurs efforts pour conserver un maintien digne, il s’arrêta devant une petite blondine, debout modestement dans un coin de la salle, les yeux pudiquement baissés et l’air triste et rêveur. Le Gouverneur, qui ne dédaignait pas de poser pour l’homme bienveillant et paternel, s’adressa à la jeune fille : « Et vous, mon enfant, êtes-vous heureuse d’être si bien soignée par les bonnes sœurs ? Que vous manque-t-il ? » La réponse fut énergique et plus complète que celle de la Satin de Zola, dans Nana : — « Moi ? Je m’emmerde et je voudrais un homme. » Le Gouverneur tourna les talons, et s’en alla sans souffler mot.

Mariage des libérés. — Quand le mariage est accordé, l’État, représenté dans cette circonstance par le Directeur du Pénitencier, marie les couples bien assortis. On a fait passer des transportés numérotés devant les recluses du couvent, rangées par ordre, et si le numéro 3, mâle, a distingué le numéro 5, femelle, par exemple, on leur ménage une entrevue, derrière les barreaux de la grille, sous l’œil béat de la bonne sœur.

Le mariage se fait tout de suite après. On a donné au concessionnaire un terrain, avec une maisonnette en briques bâtie dessus, des instruments aratoires, des grains pour ensemencer, une batterie de cuisine, les meubles les plus indispensables, et, pendant trente mois, il recevra les vivres de l’Administration : pain, vin, viande, café et tafia. Combien de bons paysans de France, qui n’ont jamais volé un centime, se contenteraient d’un