Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/339

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était le maître chez lui, un grand gaillard de près de six pieds, mulâtre des Antilles, vicieux et corrompu comme il est rare d’en rencontrer. Ma petite case n’était pas loin, et mon Canaque Néo-Calédonien allait quelquefois voisiner avec l’ordonnance de mon collègue. Un petit mur de deux mètres à peine de hauteur séparait les cours de la maison du Docteur et de celle de M. L***. Toutes les nuits le Mulâtre montait sur une poutre placée le long du mur, saisissait la Popinée qui grimpait sur un tas de pierres, et la faisait passer de l’autre côté. Puis il l’amenait dans sa chambre au rez-de-chaussée qui communiquait avec l’étage supérieur où couchait le Docteur, par un escalier donnant sur l’autre côté de la maison. Mon Canaque assistait souvent aux ébats amoureux du couple et y entrait même pour sa part. Plus tard, cela ne suffit pas. L’ordonnance du Docteur en était venu à tenir un lupanar clandestin, à l’usage de ses camarades de la caserne, pourvu que ceux-ci consentissent à financer. Enfin, un soir, le tapage fut tel que le Docteur, qui d’habitude rentrait après minuit, étant revenu un peu fatigué et s’étant couché à huit heures, sans que son ordonnance l’eût entendu rentrer, fut réveillé une heure après par un sabbat abominable. Il descendit précipitamment et, par la fenêtre de la chambre, aperçut une femme allongée toute nue sur un matelas au milieu de la chambre, entourée d’un groupe de soldats, se livrant ensemble aux plaisirs de l’amour. À peine l’eut-on entrevu que le groupe se rompit précipitamment ; l’unique bougie qui éclairait la situation vola d’un coup de poing par terre, et, en un clin d’œil, tout le monde avait disparu, sauf la femme et l’ordonnance. Celui-ci, gris comme un Polonais, était couché sous la femme et servait de base et de support au groupe humain.

J’ai dit que mon Canaque se trouvait dans le groupe.