Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/378

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mon léger bagage. Alors la fille de la maison, la belle Tara, s’approchant de moi : « Aïta » (non), me dit-elle, « toi faire dodo ici et rester avec nous. » C’était si gentiment demandé qu’il y aurait eu mauvaise grâce à refuser. Rien ne me pressait, et j’acceptai l’invitation. Après une jolie fin de journée passée sur la plage en compagnie de belles jeunes filles, avec qui je commence à parler Tahitien, à l’aide de mon petit dictionnaire, nous retournons à la case. Le tambour vient de se faire entendre et d’appeler à l’hyménée tous les gens du district. »

Je passe sous silence la description de l’hyménée et du dîner du voyageur.

« Mon dîner fini, je reviens m’allonger à plat ventre sur les nattes, les coudes appuyés sur un oreiller. Dans ce cercle de Tahitiens dont je fais maintenant partie, la cigarette Canaque passe de bouche en bouche. La belle Tara, qui a disparu un instant, arrive bientôt avec une superbe couronne ; elle s’avance majestueuse, fleurs au front, vêtue de son peignoir qui se déroule autour d’elle en longs plis flottants : on dirait une reine. Elle prend place à mes côtés sur les nattes et, dans ce milieu poétique où les exhalaisons des fleurs se mêlent aux senteurs du monoï (huile parfumée au santal), où mes yeux se reposent sur des visages souriants, où mon âme se trouve enlacée par les charmes captivants de cette amitié inattendue, je trouve un bonheur qui ne peut se raconter. Les petits enfants eux-mêmes, jolis comme des amours, ont perdu avec moi ieur timidité ; ils acceptent mes caresses. Je leur apprends à envoyer des baisers, et c’est vraiment plaisir de les voir porter leur petite main à la bouche, puis les en écarter brusquement, ou bien procéder à la façon Australienne, c’est-à-dire cueillir leur baiser sur les lèvres, entre le pouce et l’index, et tourner