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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/159

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maîtres n’ont pas la douceur en partage, ils sont insupportables, odieux. « Qu’on vous frappe au visage ». Voyez-vous ici encore l’excès de la tyrannie ? Ce n’est pas qu’ils fussent frappés au visage, mais ils étaient couverts de mépris et d’outrages ; de là ce que l’apôtre ajoute : « C’est à ma confusion que je le dis (21) ». On ne vous traite pas moins mat que ceux que l’on frappe au visage. Que peut-il y avoir de plus violent, de plus amer que cette domination qui vous prend vos fortunes, votre liberté, votre honneur, sans s’adoucir même en vous traitant de cette manière, qui ne vous laisse même pas la condition d’esclaves, mais abuse de vous en vous outrageant plus que l’on ne fait du misérable acheté à prix d’argent. « Comme si nous avions été faibles ». Il y a de l’obscurité dans l’expression. C’est que la vérité était désagréable à dire ; il en dissimule l’odieux par l’obscurité des termes. Voici ce qu’il veut faire entendre. Ne pouvons-nous pas faire de même ? Mais nous ne le faisons pas. Pourquoi donc les supportez-vous comme s’il nous était impossible d’en faire autant ? Certes il faut vous reprendre de ce que vous, supportez des insensés ; mais qu’en outre vous vous laissiez ainsi mépriser, piller, traiter avec hauteur, frapper de coups, c’est ce qui ne comporte aucune excuse, c’est ce que jamais la raison ne saurait admettre. Car voilà une étrange manière de tromper les hommes. Ordinairement les trompeurs font des largesses, adressent des flatteries ; ceux-là au contraire, ils vous trompent, ils vous prennent ce que vous avez, ils vous outragent. D’où il suit que vous ne pourriez trouver une ombre d’excuse : à ceux qui s’abaissent eux-mêmes à cause de vous, afin que vous soyez élevés, vous répondez par vos mépris ; et ceux qui s’élèvent eux-mêmes afin que vous soyez abaissés, vous les entourez de votre admiration. Ne pouvons-nous pas faire de même ? Nous nous en gardons bien, nous ne nous proposons que votre intérêt. Ces hommes-là vous pillent, parce qu’ils ne se proposent que leur intérêt à eux. Voyez-vous comment la parfaite liberté de son langage conspire en même temps à leur donner des craintes ? Si vous ne les honorez, dit-il, que parce qu’ils vous frappent, que parce qu’ils vous outragent, nous aussi nous pouvons bien faire de même, vous asservir ; vous frapper, vous traiter avec hauteur.
3. Comprenez-vous comment l’apôtre rend les fidèles uniquement responsables et de l’arrogance des faux apôtres et de ce qui paraissait de sa part, de l’imprudence ? Ce n’est pas pour exalter ma gloire, c’est pour vous affranchir de votre arrière servitude que je me vois forcé de me glorifier un peu. Il ne faut pas se borner à examiner seulement les paroles, il faut aussi considérer l’intention. Samuel faisait de lui-même un grand éloge en sacrant Saül, quand il disait : « Quel est celui de vous à qui j’ai pris son âne, ou son veau, ou sa chaussure ? Qui ai-je opprimé ? » (1Sa. 12,3) Personne cependant ne l’accusait. Ce n’était pas pour se vanter qu’il parlait ainsi, mais au moment d’instituer un roi, il voulait, en ayant l’air de se justifier, enseigner à ce roi la douceur, la mansuétude. Et considérez la sagesse du prophète, ou plutôt la bonté de Dieu.
…Rem Il voulait d’abord les détourner de prendre un roi. Que fait-il alors ? Il rassemble toutes les charges dont pourra les accabler le roi à venir, comme par exemple, qu’il forcera leurs femmes à tourner la meule, qu’il emploiera les hommes pour conduire ses troupeaux, pour avoir soin de ses mulets (le prophète se plaît à entrer dans le détail de tous les services dont s’entoure le faste de la royauté). Mais quand il voit que ses observations sont inutiles auprès du peuple, que la nation est atteinte d’un mal incurable, alors il compatit à sa faiblesse, et il modère le roi, et il s’efforce de le porter à la douceur. Voilà pourquoi il donne l’exemple de sa propre conduite en témoignage, car personne assurément ne réclamait alors contre lui, ni ne l’accusait ; il n’avait pas besoin de se justifier ; ce n’est que pour porter le roi à bien faire, que Samuel parle de lui-même. Aussi, afin de réprimer l’orgueil de la royauté, il ajoute : « Si vous écoutez le Seigneur, vous et votre roi », tous les biens seront votre partage ; si, au contraire, vous ne l’écoutez pas, tout se tournera contre vous. Amos disait aussi : « Je n’étais ni prophète, ni fils de prophète, je n’étais que bouvier, me nourrissant de mûres. Et Dieu m’a pris ». (Amo. 7,14, 15) Ce n’était pas pour se louer qu’il parlait ainsi, mais pour fermer la bouche à ceux qui ne voyaient pas en lui un prophète, pour leur montrer qu’il ne les trompait pas, que ses discours étaient inspirés. Un autre encore disait dans le même esprit : « Pour moi, j’ai été rempli de la force du : Seigneur, dans son esprit et dans sa vertu ». (Mic. 3,8)