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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/17

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consolation dans l’accomplissement de cette action héroïque, qui devait faire éclater toute la force de son âme ? Cette voix venue d’en haut ne redoublait-elle pas son ardeur ? Rien de semblable pour vous. Oui, il faut une âme d’airain pour supporter avec résignation et sans murmure la perte d’un fils unique, élevé au sein des richesses, qui donnait de si belles espérances, et que l’on voit désormais étendu dans un tombeau. Heureuxl ’homme qui, apaisant dans son cœur les flots irrités de la nature, peut s’écrier, sans verser de larmes : « Dieu me l’avait donné ; Dieu me l’a ôté ». Cette unique parole lui vaudra d’être placé auprès d’Abraham, de recevoir comme Job la couronne due au vainqueur. Qu’il comprime les sanglots des femmes, qu’il écarte les chœurs des pleureuses, qu’il excite tout le monde à célébrer les louanges de Dieu, il sera magnifiquement récompensé dès cette vie ; les hommes l’admireront, les anges applaudiront, Dieu le couronnera.
6. Mais, direz-vous, qui pourrait ne point verser de larmes ? Abraham et Job ne pleurèrent point, et cependant ils étaient hommes et ils vivaient avant la loi, avant la grâce, avant cette sublime philosophie donnée par Dieu au monde. D’ailleurs, celui qui vient de mourir, habite une région plus heureuse, il jouit d’un meilleur sort ; loin d’avoir perdu votre fils, vous l’avez mis en lieu sûr. Ne dites donc pas : J’ai cessé d’être père : Ce n’est plus sur la terre seulement que vous êtes appelé de ce nom, mais encore dans le ciel. Bien loin de l’avoir perdu, vous le possédez plus que jamais : Vous êtes père, non plus d’un fils sujet à la mort, mais d’un fils immortel, d’un généreux soldat qui ne doit plus quitter sa patrie. Il n’est plus à côté de vous ; mais gardez-vous de croire qu’il soit perdu pour vous. Supposez-le parti pour un voyage : il est absent de corps, il est vrai ; mais cela suffit-il pour que le nom de parent disparaisse ? Ne considérez donc point ce visage désormais sans vie ; vous ne feriez que rappeler votre chagrin ; mais faites en sorte d’élever votre âme jusqu’au ciel. Ce n’est point ce cadavre étendu par terre qui est votre fils ; mais il s’est envolé, pour ainsi dire, à des hauteurs intimes. A la vue de ces yeux fermés, de cette bouche muette, de ce corps sans mouvement, gardez-vous bien d’accueillir cette pensée ; cette bouche ne parle plus, ces yeux ne voient plus, ces pieds ne marchent plus ; tous ces organes sont la proie de la corruption. Dites au contraire : cette bouche parlera un plus digne langage, ces yeux contempleront de plus beaux spectacles, ces pieds s’élèveront au-dessus des nuées, et ce corps enfin, maintenant livré à la corruption, sera un jour revêtu d’immortalité, et je reverrai mon fils tout éclatant de lumière. Si ce que vos yeux aperçoivent vous cause de la tristesse, faites ces réflexions : C’était un vêtement qu’il a dépouillé pour en prendre un plus beau ; c’était une maison, que l’on a renversée, pour en construire une plus belle. .
Quand nous devons nettoyer nos maisons, laissons-nous quelqu’un dans l’intérieur ? Non. – Mais nous faisons sortir tout le monde, pour que la poussière ne souille personne, pour que le bruit ne fatigue personne. Et quand nous avons mis toutes choses en ordre, nous permettons d’y rentrer. C’est aussi la conduite du Seigneur. Après avoir détruit cette tente où votre fils habitait, il l’introduit dans sa propre demeure, afin de relever ce qu’il vient d’abattre et d’y ajouter une nouvelle splendeur. Ne dites donc point : Il est perdu, il n’est plus. C’est le langage de ceux qui n’ont pas de foi ; dites plutôt : Il dort et il ressuscitera ; il est parti pour un voyage d’où il doit revenir avec son roi. Qui est-ce qui parle de la sorte ? Celui dans l’âme duquel parle Jésus-Christ lui-même. « Si en effet, dit l’apôtre, nous croyons que Jésus-Christ est mort, qu’il est ressuscité, qu’il est plein de vie ; de même aussi Dieu ramènera avec lui, par Jésus-Christ, ceux qui se sont endormis dans la mort ». (1Thes. 4,14) C’est pourquoi, si vous cherchez votre fils, cherchez-le dans le palais du roi, dans les rangs de l’armée céleste, non pas dans le tombeau, non pas dans la terre ; et tandis qu’il habite ces sublimes régions, ne restez point cloué à la terre. – Avec de telles réflexions, nous n’aurons pas de peine à bannir toute espèce de chagrins. Daigne le Dieu des miséricordes et le Père de toute consolation consoler tous les cœurs de ceux qui sont en proie à cette Tristesse ou qui endurent d’autres souffrances ! Daigne sa bonté nous délivrer de tout chagrin, nous faire goûter les délices spirituelles et nous accorder les éternelles richesses. Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel