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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/177

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une baie, un mur, un autre encore écarte les bêtes nuisibles ; tous n’ont qu’un seul et même but : le salut de la plante. Ici, il n’en est pas de même ; moi, de mon côté, je plante, mais un autre remue et bouleverse tout. Laisse donc au moins à la plante le temps de pousser des racines, de se fortifier contre toute atteinte. Ce n’est pas mon ouvrage que tu détruis, c’est le tien que tu réduis à néant ; moi, j’ai planté ; toi, tu devais arroser. Donc si tu viens tout remuer, tu arraches la racine, et tu ne pourras plus prouver que tu as bien arrosé. Mais c’est la gloire de celui qui plante que vous ne pouvez souffrir ? Rassurez-vous, je ne suis rien, ni vous non plus. « Ni celui qui plante, ni celui qui arrose, n’est rien » (1Cor. III. 7) ; c’est Dieu seul qui fait tout. De sorte que c’est lui que vous combattez, que, c’est a lui que vous faites la guerre en arrachant les plantations. Revenons donc enfin à la sagesse et à la vigilance. Je ne crains pas tant la guerre du dehors que le combat du dedans ; car une fois la racine bien enfoncée dans la terre, elle peut défier les vents ; mais si on l’ébranle, si, à l’intérieur, un ver la ronge, sans même qu’on attaque extérieurement la plante, tout s’en va. Jusques à quand rongerons-nous la racine de l’Église comme des vers ? C’est de la terre que s’engendrent de pareilles passions ; ou plutôt elles ne naissent pas de la terre, mais – du fumier ; leur mère, c’est la corruption. Soyons donc enfin des hommes fiers et forts, soyons donc des athlètes de la sagesse, chassons loin de nous toute cette hideuse portée de maux. Je vois tout le corps de l’Église étendu par terre en ce moment comme un corps mort. Comme dans un corps qui vient d’être privé de vie, je vois des yeux, des mains, des pieds, un cou, une tête, ruais ce que je ne vois pas, c’est un membre remplissant ses fonctions ; de même ici, tous ceux qui sont présents, ont la foi en partage, mais ce n’est pas la foi agissante ; nous avons éteint la chaleur vitale, nous avons fait, du corps de Jésus-Christ, un corps mort. Si cette parole est effrayante, bien plus effrayante encore est la réalité qui se montre par les œuvres. Nous nous donnons les noms de frères, mais nos actions révèlent des ennemis ; nous sommes tous, par le nom, membres les uns des autres ; nous sommes de fait divisés comme des bêtes féroces. Je ne tiens pas à étaler nos fautes, mais ce que j’en dis, c’est pour vous faire honte, c’est pour vous ramener. Un tel est entré dans une maison ; il a été reçu avec honneur : il fallait bénir Dieu en voyant traiter avec honneur celui qui est votre membre ; car cette conduite glorifie Dieu ; eh bien, c’est le contraire que vous faites ; vous dites du mal de votre frère auprès de celui qui l’a honoré, de manière à nuire à tous les deux, et en outre, à vous déshonorer vous-même. Pourquoi, ô malheureux, ô infortuné Vous entendez faire l’éloge de votre frère, par des hommes ou par des femmes, et c’est pour vous un sujet d’affliction ? Mais ajoutez donc plutôt à cet éloge, et c’est ainsi que vous ferez votre éloge à vous-même. Si, au contraire, vous ruinez l’éloge, d’abord vous dites du mal de vous-même, vous donnez de vous-même une mauvaise opinion, et vous ne faites que grandir celui que vous vouliez rabaisser. Quand vous entendez des louanges, associez-vous à ces louanges ; si ce n’est par la sainteté de votre vie, et par vos vertus, que ce soit au moins par la joie que, vous ressentez des belles actions. Une personne a fait entendre un éloge ; admirez, de votre côté ; c’est ainsi que cette personne vous louera, vous aussi, pour votre vertu, pour votre bonté. Ne craignez pas de rabaisser vos actions par l’éloge d’autrui ; car ce malheur n’arrive qu’à celui qui accuse. Car la, nature de l’homme c’est de tenir à ses opinions, et celui qui vous entend dire du mal d’une personne qu’il vient de louer s’obstine à rendre son éloge plus éclatant, afin de vous mortifier, afin de faire justice des détracteurs, et il les flétrit en lui-même, et il les accuse auprès des autres. Comprenez-vous quelle honte nous nous attirons par cette conduite, et comme nous dissipons, comme nous perdons le troupeau ? Ne soyons donc enfin que les membres les uns des autres, ne formons donc enfin qu’un seul corps. Que celui qui s’entend louer, repousse loin de lui les éloges, et les fasse retomber sur son frère ; que col ni qui entend louer son frère, se réjouisse de pareils discours. Si nous savons nous unir ainsi les uns aux autres, nous sentirons le bonheur de tenir à celui qui est la tête du corps entier ; si, au contraire, nous nous divisons contre nous-mêmes, nous écarterons loin de nous, pour surcroît de malheur, le secours de Dieu ; or, privés de cette assistance, nous verrons périr notre corps, que ne conservera plus la vertu d’en haut. Prévenons ce danger, chassons loin de nous la haine jalouse, méprisons