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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/205

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êtes, vous aussi, appelés ; à tous ceux qui sont à Rome, aux appelés ». Et ce n’est point ici une superfluité, mais il veut leur rappeler le bienfait. Car comme vraisemblablement il y avait, parmi les croyants, des chefs et des consuls, ainsi que des pauvres et de simples particuliers, il efface toute distinction de dignités, en leur donnant le même nom. Que si dans les choses les plus nécessaires, dans l’ordre spirituel, tout est commun aux esclaves et aux hommes libres ; l’amour de Dieu, la vocation, l’Évangile, l’adoption, la grâce, la paix, la sanctification et tout le reste : comment ne serait-il pas souverainement déraisonnable d’établir des distinctions temporelles entre ceux que Dieu a réunis et rendus égaux dans des choses plus importantes ? Aussi, détruisant dès le début cette funeste maladie, le bienheureux les introduit-il tous dans la source de tous les biens, l’humilité. C’était le moyen de rendre meilleurs les serviteurs, en leur apprenant que leur condition ne leur faisait aucun tort, puisqu’ils possédaient la vraie liberté ; cela inspirait aussi la modération aux maîtres, en leur faisant voir que la liberté ne sert à rien, si elle n’est précédée par la foi. Et ce qui vous prouve que Paul n’agit point ici au hasard et sans discernement, mais qu’il sait parfaitement faire la distinction vraie, c’est qu’à ces mots : « À tous ceux qui sont à Rome », il ajoute ceux-ci : « Aux bien-aimés de Dieu ». Excellente distinction en effet et qui nous apprend d’où vient la sanctification.
D’où vient donc la sanctification ? de l’amour. Après avoir dit : Aux bien-aimés », il ajoute : « appelés saints », indiquant que là est la source de tous les biens : or, ce nom de saints, il le donne à tous les fidèles. « Grâce à vous et paix ». O salutation pleine de bénédictions sans nombre! C’est celle que le Christ a ordonné à ses apôtres de prononcer d’abord quand ils entrent dans les maisons. C’est pourquoi Paul débute ainsi partout, c’est-à-dire en souhaitant grâce et paix. Car ce n’est pas à une guerre médiocre, mais à une guerre variée, universelle, prolongée que le Christ a mis fin, non par nos travaux, mais par sa grâce. Donc, puisque l’amour nous a donné la grâce, et la grâce la paix, Paul en employant ces mots par forme de salut, demande que ces biens soient durables et permanents, pour empêcher la guerre de se rallumer ; et il prie l’Auteur de ces dons de les consolider, en disant : « Grâce à vous et paix par Dieu, notre Père et par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Ici le mot « par » est commun au Père et au Fils et a le même sens que « de la part de ». Il n’a pas dit : Grâce à vous et paix de la part de Dieu le Père, par l’intermédiaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais : « Par le Père et par Notre-Seigneur Jésus-Christ ».
O ciel ! que l’amour de Dieu est puissant ! Des ennemis, des hommes déshonorés sont devenus tout à coup des saints et des fils ! car, en nommant Dieu le Père, il indique qu’il y a des enfants, et en parlant d’enfants, il révèle le trésor de tous les biens. Persévérons donc dans une conduite digne d’un si grand bienfait, et conservons la paix et la sainteté. Les autres dignités sont passagères ; elles s’évanouissent avec la vie présente et s’achètent à prix d’argent ; aussi pourrait-on dire qu’elles ne sont point des dignités, mais des noms de dignités, puisqu’elles ne consistent que dans l’éclat des vêtements et dans les adulations des courtisans. Mais le don de la sanctification et de l’adoption venant de Dieu, ne disparaît point à la mort ; c’est même alors qu’il nous fait briller et il nous accompagne jusqu’à la vie éternelle. Car celui qui conserve l’adoption et la sanctification avec fidélité, est beaucoup plus éclatant et plus heureux que celui qui porte le diadème et revêt la pourpre ; il possède ici-bas une tranquillité parfaite, entretient les meilleures espérances, n’a aucun sujet d’agitation ni de trouble, mais jouit d’un bonheur perpétuel. Car ce n’est point l’étendue du commandement, ni l’abondance des richesses, ni l’orgueil du pouvoir, ni la vigueur du corps, ni le luxe de la table, ni l’éclat des vêtements, ni rien de mortel, qui donne la joie et la sérénité ; mais les œuvres spirituelles bien faites et une bonne conscience. Celui qui a la conscience pure, fût-il couvert de haillons et en lutte avec la faim, est plus joyeux que ceux qui nagent dans les délices ; de même que celui qui a une conscience coupable, possédât-il toutes les richesses, est le plus malheureux des hommes. C’est pourquoi Paul, vivant toujours dans la faim et dans la nudité, flagellé tous les jours, était plus heureux et plus content que les rois d’alors ; tandis qu’Achab, assis sur le trône, plongé dans les délices, mais coupable d’un crime, gémissait, était inquiet, avait les traits abattus et avant et après son péché. Si donc nous voulons être