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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/207

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dans les prophètes ? Dieu lui-même en agit ainsi souvent à l’égard de ses serviteurs, en s’appelant particulièrement le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
« De ce que votre foi est annoncée dans tout l’univers ». Quoi ! le monde entier avait ouï parler de la foi des Romains ? Oui, d’après lui ; et il n’y a rien d’invraisemblable ; car ce n’était point une ville obscure, mais placée comme sur un faîte et visible partout. Considérez ici la puissance de la prédication, comment en peu de temps, par le moyen de publicains et de pêcheurs elle a envahi la reine même des cités, comment des Syriens sont devenus les maîtres et les guides des Romains. Il leur rend ici un double témoignage : c’est qu’ils ont cru, et qu’ils ont cru avec pleine liberté, au point que le bruit s’en était répandu dans le monde entier. « Car », leur dit-il, « votre foi est annoncée dans tout l’univers ». La foi, et non des disputes de mots, des questions, des raisonnements. Et pourtant la doctrine trouvait là de nombreux obstacles. Car, en possession depuis quelque temps de l’empire du monde, ils avaient une haute opinion d’eux-mêmes et passaient leur vie au sein des richesses et des plaisirs ; et ceux qui leur apportaient la prédication étaient des Juifs, des descendants des Juifs, de cette race odieuse et exécrée de tous ; et ils ordonnaient d’adorer le Crucifié, un homme élevé dans la Judée ; et, avec cet enseignement, ces maîtres prescrivaient une vie austère à des hommes livrés aux voluptés et épris des biens d’ici-bas. Et ces prédicateurs étaient pauvres, ignorants, sans naissance. Mais rien de cela n’a empêché le cours de la parole ; telle était la puissance du Crucifié, qu’il la répandait partout.
« Est annoncée », dit Paul, « dans l’univers entier ». Il ne dit pas : est manifestée, mais « est annoncée », comme si tout le monde parlait d’eux. En attestant le même fait aux Thessaloniciens, il y ajoute autre chose : car après avoir dit : « Par où la parole de Dieu s’est répandue », il ajoute : « En sorte que nous n’avons pas besoin d’en rien dire ». (1Thes. 1, 3) En effet les disciples avaient pris rang parmi les maîtres, ils instruisaient avec liberté et attiraient tout le monde à eux. Car la prédication ne s’arrêtait nulle part et s’étendait à l’univers entier avec plus de violence que le feu. Ici il se contente de dire qu’ « elle est annoncée », et il a raison de dire qu’ « elle est annoncée » ; par là il fait comprendre qu’il n’y a rien à ajouter à ce qui a été dit, rien à en retrancher : car c’est le devoir d’un messager de répéter simplement ce qu’on lui a dit. C’est pour cela que le prêtre est appelé messager, parce qu’il ne parle point en son nom, mais au nom de celui qui l’envoie. Pourtant Pierre a aussi prêché là. Mais Paul qui brûlait du feu de cette charité qui, comme il dit, n’est point envieuse, regardait ce que faisait Pierre comme s’il l’eût fait lui-même. « Car le Dieu que je sers en mon esprit, dans l’Évangile de son Fils, m’est témoin que je me souviens sans cesse de vous (9) ».
2. Ces paroles sortent des entrailles d’un apôtre, elles démontrent une sollicitude paternelle. Que veut-il donc dire, et pour quelle raison appelle-t-il Dieu en témoignage ? Il s’agissait de son affection. Comme il ne les avait pas encore vus, il invoque pour témoin, non un homme, mais Celui qui pénètre les cœurs. Après leur avoir dit : Je vous aime, et leur en avoir donné pour signe ses prières continuelles et le désir d’aller les voir, comme il n’y avait rien là de manifeste, il recourt à un témoin digne de foi. Quelqu’un de nous peut-il se vanter de se souvenir de l’Église dans laquelle il est, lorsqu’il prie dans sa maison ? Je ne le pense pas. Et Paul priait Dieu non seulement pour une ville, mais pour tout l’univers, et cela, non pas une fois, deux fois ni trois fois, mais toujours. Si porter quelqu’un continuellement dans ses souvenirs est une preuve de grand attachement ; pensez quelle affection, quel amour il faut pour prier et prier continuellement. Quand il dit : « Que je sers en mon esprit, dans l’Évangile de son Fils », il montre tout à la fois et la grâce de Dieu et sa propre humilité : la grâce de Dieu, qui lui a confié une mission aussi importante, et son humilité en ce qu’il n’attribue rien à son zèle, mais rapporte tout à l’action du Saint-Esprit. En ajoutant ce mot « Évangile », il indique l’espèce de son ministère. Car il y a plus d’une sorte de ministère et aussi de culte. Car de même que, chez les rois, tous, quoique subordonnés à un souverain unique, ne remplissent cependant point les mêmes fonctions, mais que l’un a mission de commander aux armées, l’autre d’administrer les villes, un troisième de veiller à la garde des trésors ; ainsi, dans l’ordre spirituel, l’un sert et honore Dieu par sa foi et sa conduite