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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/208

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régulière, l’autre est chargé de donner l’hospitalité aux étrangers, un troisième du soin des pauvres : comme on le voit au temps des apôtres même, où Étienne servait Dieu dans le soin des veuves, un autre par l’enseignement de la parole. Paul, par exemple, servait par la prédication de l’Évangile, c’était son genre de ministère, celui qui lui avait été confié, c’est pourquoi il ne se contente pas d’invoquer Dieu comme témoin, mais il parle de la mission qu’il a reçue, faisant voir que, chargé d’une si haute fonction, il ne voudrait point appeler en témoignage d’un mensonge celui qui la lui a confiée. De plus, il veut aussi leur faire comprendre son amour et la nécessité où il est de se préoccuper d’eux. De peur qu’ils ne disent : Qui êtes-vous, pourquoi vous dites-vous en souci de cette grande et royale cité ? Il leur prouve que ce souci est nécessaire, puisque c’est là le genre de service qui lui est assigné, la prédication de l’Évangile. En effet, celui qui est chargé de cette mission doit nécessairement avoir toujours dans l’esprit ceux qui doivent recevoir la parole.
Il indique encore autre chose par ces mots « En mon esprit » : à savoir que ce culte est bien au-dessus de celui des Grecs et de celui des Juifs : car le culte des Grecs était faux et charnel, celui des Juifs vrai, mais charnel aussi ; tandis que celui de l’Église, opposé à celui des gentils, était bien au-dessus de celui des Juifs. En effet, il ne s’exerce plus par l’immolation des brebis, des veaux, par la fumée et la graisse des victimes, mais par l’âme spirituelle, selon la parole du Christ « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité ». (Jn. 4,24) – « Dans l’Évangile de son Fils ». Plus haut il disait l’Évangile du Père, ici il dit l’Évangile du Fils : tant c’est chose indifférente de nommer le Père ou le Fils. Car il a appris de cette voix bienheureuse que ce qui est au Père appartient au Fils et que ce qui est au Fils appartient au Père. « Car », dit le Christ, « tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi ». (Jn. 17,10)
« Que je fais sans cesse mémoire de vous dans mes prières ». C’est là le véritable amour. Il semble ne dire qu’une chose et il en dit quatre : qu’il se souvient d’eux, qu’il s’en souvient sans cesse, et dans ses prières et pour des objets importants. « Demandant que, par la volonté de Dieu, quelque heureuse voie me soit ouverte pour aller vers vous. Car je désire vous voir (10,11) ». Voyez-vous comme il désire ardemment les voir, et comment, ne voulant rien faire que sous le bon plaisir de Dieu, son amour est mêlé de crainte ? Il les aimait en effet, il était pressé d’aller à eux ; mais, bien qu’il les aimât, il ne voulait les voir que quand il plairait à Dieu. Voilà le véritable amour. Il n’en est pas ainsi de nous qui nous écartons dans les deux sens des lois de la charité ; car, ou nous n’aimons personne, ou quand nous aimons, ce n’est point selon la volonté de Dieu ; double transgression de la loi divine. Si nos paroles sont blessantes, votre conduite l’est davantage.
3. Mais, direz-vous, comment aimons-nous contre la volonté de Dieu ? – Quand nous dédaignons le Christ mourant de faim et que nous donnons à nos amis et à nos proches au-delà du nécessaire. À quoi bon, du reste, en dire davantage ? Chacun n’a qu’à examiner sa conscience pour se trouver coupable là-dessus en plus d’un point. Il n’en était pas ainsi de notre bienheureux ; il savait aimer, et aimer comme il faut, et surpasser tout le monde en charité, sans dépasser en rien les bornes de la charité. Et voyez comme il porte ces deux sentiments au plus haut degré : la crainte de Dieu et l’amour des Romains. En effet, prier sans cesse, et ne point se désister d’un vœu qui n’est pas rempli, c’est une preuve d’ardente affection ; mais ne tenir à l’objet de ses désirs que sous le bon plaisir de Dieu, c’est la marque d’une grande piété. Ailleurs même après avoir prié trois fois le Seigneur sans obtenir, en présence même du résultat contraire, il rend de grandes actions de grâces de n’avoir point été exaucé (2Cor. 12,8) : tant il avait Dieu en vue en toutes choses ! Ici, il obtint, il est vrai, mais tardivement et non quand il demandait, et il ne s’en affligea point. Je dis cela pour que nous ne nous attristions pas, quand nous ne sommes point exaucés ou que nous ne le sommes que tard. Nous ne sommes pas meilleurs que Paul qui rendit grâces dans les deux cas et eut raison de le faire. Comme il s’était livré une bonne fois à la main qui gouverne tout, avec autant de docilité que l’argile à la main du potier, il allait partout où Dieu le conduisait.
Après avoir exprimé son désir de les voir, il en donne la raison. Quelle est-elle ? « Pour