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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/209

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vous communiquer quelque chose de la grâce spirituelle, afin de vous fortifier ». Ce n’était pas sans motif qu’il voulait aller là, comme font tant de gens qui entreprennent des voyages inutiles et sans profit, mais pour des affaires nécessaires et pressantes ; ce qu’il n’exprime pas clairement, mais par énigmes. Car il ne dit point : Pour vous instruire, pour vous prêcher, pour vous donner ce qui vous manque ; mais « pour vous communiquer quelque chose », indiquant qu’il ne donne rien de lui-même, mais fait part de ce qu’il a reçu. Et encore parle-t-il ici avec modestie : « Quelque chose » ; peu de chose, veut-il dire, et en proportion avec ma mesure. Et qu’est-ce donc que ce peu que vous allez leur communiquer ? – Quelque chose « pour vous fortifier », répond-il.
C’est donc un effet de la grâce, de ne pas chanceler, de se tenir ferme. Et quand on vous parle de grâce, gardez-vous de croire que ce soit à l’exclusion du mérite de la volonté ; car si Paul tient ce langage, ce n’est pas qu’il ne tienne aucun compte de la volonté, mais c’est pour détruire l’enflure de l’orgueil. Ne vous découragez donc point, parce qu’il appelle cela grâce. Dans l’excès de sa reconnaissance, il donne le nom de grâces à toutes les bonnes actions, parce qu’en toutes, le secours d’en haut nous est bien nécessaire. Après avoir dit « Pour vous fortifier », il leur insinue qu’ils ont grand besoin d’être corrigés. Car voici ce qu’il veut dire : Depuis longtemps je désirais et souhaitais de vous voir, dans le seul but de vous fortifier, de vous affermir et de vous consolider dans la crainte de Dieu, afin que vous ne soyez pas toujours chancelants. Il ne s’exprime pourtant pas ainsi, car il les aurait blessés ; il se contente d’insinuer sa pensée doucement et sous une autre forme, en se servant de ces mots. « Pour vous fortifier ». Ensuite, comme ce langage était très-pénible, voyez comme il l’adoucit par la suite. En effet de peur qu’ils ne disent : Quoi donc ! est-ce que nous chancelons ? est-ce que nous sommes ballottés ? avons-nous besoin de votre parole pour être fermes ? Il prévient l’objection en ces termes : « C’est-à-dire, pour me consoler avec vous par cette foi, qui est tout ensemble votre foi et la mienne ». Comme s’il disait Ne supposez point que je vous ai dit cela par manière de reproche ; ce n’était point là mon intention : qu’ai-je donc voulu vous dire ? Vous avez beaucoup souffert de la part de vos persécuteurs, j’ai donc désiré vous voir pour vous consoler, et non seulement pour vous consoler, mais encore pour recevoir moi-même de la consolation.
4. Voyez la sagesse de ce maître ! « Pour vous fortifier », dit-il. Il sentait que son langage était désagréable et pénible pour ses disciples, et il ajoute : « Pour vous consoler ». Quoique ces expressions soient plus douces que les premières, elles contiennent cependant encore quelque chose de désagréable. Aussi leur ôte-t-il encore ce caractère, en mitigeant absolument son langage, de manière à le rendre tout à fait acceptable. Car il ne dit pas simplement : Pour vous consoler, mais : « Pour me consoler avec vous », et non content de cela, il apporte encore un nouvel adoucissement en disant : « Par cette foi qui est tout ensemble votre foi et la mienne ». O ciel ! quelle humilité ! Il laisse entendre qu’ils n’ont pas seulement besoin de lui, mais qu’il a aussi besoin d’eux : il place les disciples au rang de maître, et abdique tout privilège pour être l’égal de tous. Le profit, leur dit-il, nous sera commun : j’ai besoin de votre consolation, et vous de la mienne. Et comment cela ? « Par « cette foi, qui est tout ensemble votre foi et la « mienne ». Car comme en allumant beaucoup de lampes, on produit une grande clarté, ainsi en est-il parmi les fidèles. En effet, quand nous sommes séparés les uns des autres, nous avons moins de courage ; mais quand nous nous voyons mutuellement, et que nous sommes rapprochés comme les membres d’un même corps, nous sommes singulièrement consolés. Toutefois, ne comparez point ce temps-là au temps présent où, par la grâce de Dieu, les fidèles sont nombreux dans les bourgades, dans les villes, et même dans les déserts, où l’impiété se trouve refoulée ; mais reportez-vous à cette époque et songez combien il était doux au maître de voir ses disciples, et aux frères de voir des frères venus d’autres cités. Éclaircissons cela par un exemple.
Si par hasard (et que le ciel nous en garde !) nous nous trouvions transportés chez les Perses, chez les Scythes ou d’autres barbares, et dispersés par deux ou trois, dans leurs villes, imaginez quelle consolation nous éprouverions à voir tout à coup arriver d’autres endroits quelques-uns des nôtres. Ne voyez-vous