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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/210

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pas les prisonniers se lever et s’élancer par l’effet de la joie, quand ils reçoivent la visite d’un ami ? Et ne vous étonnez pas que je compare ces temps-là à la captivité et à la prison ; car les fidèles souffraient encore bien davantage, dispersés qu’ils étaient, repoussés, en proie aux horreurs de la faim et de la guerre, craignant la mort tous les jours, obligés de se défier de leurs amis, de leurs parents, de leurs proches, étrangers au milieu du monde, et plus malheureux même que des exilés. Voilà pourquoi Paul dit : « Pour vous fortifier et me consoler avec vous, par notre foi commune ». Non pas qu’il ait besoin de leur secours, loin de là ; comment en aurait-il besoin, lui, la colonne de l’Église, lui plus solide que le fer et la pierre, lui, le diamant spirituel, lui, qui suffit à d’innombrables cités ? Mais pour ne pas les blesser, pour adoucir la correction, il leur dit que leur consolation lui est nécessaire. Du reste on ne se tromperait pas en disant qu’il y avait un sujet de consolation et de joie dans la foi et les progrès des fidèles, et que Paul en avait besoin. – Mais, pouvait-on lui dire, si vous désirez si vivement recevoir et donner cette consolation, qui vous empêche d’aller là ?
Pour répondre à cette objection, il ajoute « Aussi je ne veux pas que vous ignoriez, mes frères, que je me suis souvent proposé d’aller vers vous, mais j’en ai été empêché jusqu’à « présent (13) ». Voyez là une preuve de sa parfaite obéissance et de sa profonde gratitude. Il dit bien qu’il a été empêché, mais il ne dit pas par quoi. Il ne discute point les ordres du Maître, il se contente d’y obéir. Il y avait cependant lieu de demander pourquoi Dieu privait si longtemps d’un pareil docteur une ville si illustre, si grande, et sur laquelle le monde entier avait les yeux fixés. En effet, en s’emparant d’une capitale on se rend maître de tout l’empire ; mais la laisser pour s’attaquer aux lieux qui en dépendent, c’est négliger le point essentiel. Cependant Paul ne se livre point à ces inutiles recherches ; il obéit à un ordre de la Providence, sans le comprendre, nous faisant voir par là sa modération et nous apprenant à ne jamais demander à Dieu raison des événements, quand bien même beaucoup en paraîtraient troublés. Car c’est au maître à commander, et aux serviteurs à obéir. Voilà pourquoi Paul dit qu’il a été empêché, sans dire pour quelle raison. Je n’en sais rien, leur dit-il, ne me demandez pas quel est le dessein, quelle est la volonté de Dieu. Ce n’est point au vase à dire au potier : « Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? » (Rom. 9,20) Pourquoi, je vous le demande, voudriez-vous savoir cela ? Ne savez-vous pas que Dieu a soin de tout, qu’il est sage, qu’il ne fait rien sans raison et au hasard ? qu’il vous aime plus que vos parents ? que son amour pour vous surpasse celui d’un père, sa tendresse celle d’une mère ? Ne demandez donc rien de plus, n’allez pas plus loin ; en voilà assez pour votre consolation ; puisque alors tout était en règle à Rome. Si vous ignorez comment, ne vous en inquiétez point. C’est là surtout le propre de la foi, d’accepter la conduite de la Providence sans en connaître les raisons.
5. Après avoir ainsi atteint le but que son zèle se proposait, (et quel était-il, sinon de leur montrer que s’il n’allait pas les voir, ce n’était point par mépris, mais parce qu’il en était empêché ?) après s’être justifié du reproche de négligence, et leur avoir prouvé qu’il n’est pas moins désireux de les voir qu’ils ne le sont eux-mêmes, il donne encore d’autres preuves de son amour. Pour avoir été empêché, leur dit-il, je n’ai point cessé mes efforts ; toujours j’essayais, toujours les obstacles survenaient, et je ne me désistais point ; sans m’opposer à la volonté de Dieu, je restais fidèle à l’amour. En se proposant toujours, en ne se désistant jamais, il prouvait sa charité ; en rencontrant des obstacles et en s’y soumettant, il prouvait son extrême amour pour Dieu. « Pour obtenir « quelque fruit parmi vous ». Bien qu’il ait donné plus haut le motif de son désir, motif bien digne de lui, il y revient cependant encore ici, pour dissiper entièrement leur soupçon. Car comme leur ville était remarquable, sans rivale pour la beauté sur terre et sur mer, et que beaucoup d’étrangers s’y rendaient uniquement pour la voir, de peur qu’on ne lui supposât quelque motif de ce genre, qu’on ne soupçonnât que Paul désirait faire connaissance avec eux pour s’en glorifier, il rappelle constamment la raison de son désir. Plus haut il a dit : « Je désirais vous voir pour vous communiquer quelque chose de la grâce spirituelle » ; ici il dit plus clairement : « Pour obtenir quelque fruit parmi vous, comme parmi les autres nations ». Il met au même rang ceux qui commandent et ceux qui obéissent ; après des milliers de trophées