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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/225

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bourreaux ni potence, jugent cependant les coupables, dans leurs entretiens, dans les assemblées, dans leur propre conscience ; et personne n’oserait dire qu’un adultère ne mérite pas de châtiment. Mais, dira-t-on, on condamne les autres et non soi-même. Et c’est contre cela que l’apôtre s’élève avec violence : « Penses-tu donc, ô homme qui juges ceux qui font ces choses et qui les fais toi-même, que tu échapperas au jugement de Dieu (3) ? » Après avoir montré le grand crime de la terre et dans la croyance et dans les actes ; prouvé que quand ils étaient sages et que la nature les guidait en quelque sorte par la main, ils ont non seulement abandonné Dieu, mais adoré des images de reptiles, méprisé la vertu, embrassé le vice librement malgré la résistance de la nature, et même agi contre la nature ; après cela, dis-je, il s’attache à démontrer que ceux qui font ces choses seront punis : Déjà il a mentionné le supplice en parlant du crime, quand il disait : « Recevant ainsi en eux-mêmes la récompense qui était due à leur égarement » ; mais comme ils ne sentent point cette peine, il en signale une autre qu’ils redoutaient extrêmement. Et déjà il l’avait clairement indiquée ; car c’était là le sens de ces paroles ; « Dieu juge selon la vérité ». Toutefois il le répète ici plus au long, en disant : « Penses-tu, ô homme qui juges ceux qui font ces choses et qui les fais toi-même, que tu échapperas au jugement de Dieu ? ». Tu échappes à ton propre jugement, échapperas-tu à celui de Dieu ? qui voudrait le dire ? Or tu t’es jugé toi-même. Mais puisque l’autorité de ce tribunal est si grande, et que tu n’as pas su t’épargner toi-même, à combien plus forte raison Dieu, qui, est infaillible ; qui est la souveraine justice, ne t’épargnera-t-il pas. Quoi ! tu t’es condamné toi-même, et Dieu t’approuvera, te louera ? Peut-on le dire raisonnablement ? Vous êtes certainement digne d’un plus grand châtiment que celui que vous avez condamné. Car ce n’est pas la même chose de pécher simplement, ou de punir le coupable et de tomber dans son péché. Voyez-vous comme la culpabilité s’aggrave ? Si vous punissez un pécheur moins coupable que vous au moment même de vous déshonorer, comment Dieu qui ne peut se déshonorer, ne vous jugera-t-il pas, ni vous condamnera-t-il plus sévèrement, vous qui commettez une faute plus grande et êtes déjà condamné par votre propre conscience ? Si vous me dites : Je sais que je mérite d’être puni ; et qu’ensuite la patience, divine vous porte à ne tenir aucun compte de votre état, que le délai de la punition vous inspire une fausse confiance : c’est là une juste raison de craindre et de trembler. Ce n’est point pour vous exempter du supplice que Dieu le diffère, mais pour le rendre plus terrible, si vous restez incorrigible. Que le Ciel vous en préserve ! aussi l’apôtre ajoute-t-il : « Est-ce que tu méprises les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longanimté ? Ignores-tu que la bonté de Dieu t’invite à la pénitence (4) ? »
Après avoir loué la longanimité de Dieu, et montré le très-grand profit qu’on en peut tirer (c’était une manière d’attirer les pécheurs au repentir), il augmente leur terreur. Car comme elle est un principe de salut pour ceux qui en usent convenablement, ainsi elle prépare un châtiment plus terrible à ceux qui la méprisent. C’est une opinion vulgaire que Dieu, étant bon et patient, ne punit pas ; mais dire cela c’est annoncer un plus grand supplice. Si Dieu montre de la bonté, c’est pour que vous vous débarrassiez de vos péchés et non pour que vous en augmentiez le nombre ; sinon, la vengeance sera plus terrible. C’est surtout parce que Dieu est patient qu’il ne faut plus pécher, et ne pas faire de sa bonté un motif d’ingratitude. Bien qu’il soit patient, il punit à la fin. Comment le voyons-nous ? Par ce qui va suivre. Si en effet le mal est grand et que les coupables n’aient pas été punis, nécessairement ils le seront. Car si les hommes tiennent compte de cela, comment Dieu ne le tiendrait-il pas ? Aussi est-ce de là que l’apôtre prend occasion de parler du jugement. Après avoir montré que beaucoup ont encouru le châtiment à moins qu’ils n’aient fait pénitence, et qu’ils ne le subissent cependant point en ce monde, il établit qu’un jugement, et un jugement très-sévère, aura certainement lieu, et dit : « Cependant, par la dureté de ton cœur impénitent, tu t’amasses un trésor de colère (5) ».
Quoi de plus dur en effet que celui qui ne se laisse ni toucher par la douceur, ni fléchir par la crainte ? Après avoir parlé de la bonté de Dieu, l’apôtre en vient au châtiment qui sera intolérable pour celui que de tels moyens n’ont pas converti. Et voyez quelle énergie dans ses expressions : « Tu t’amasses un trésor de colère ! »