Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’effet de leur volonté, mais un don de la grâce ce que le prophète leur reprochait déjà quand il disait : « il n’a point traité ainsi toutes les nations, et ne leur a point manifesté ses jugements » (Ps. 147) ; et Moïse : « Demandez si rien de semblable s’est jamais passé, si une nation a jamais entendu, sans mourir, la voix du Dieu vivant sortir du milieu des flammes » (Deut. 5,26) ; ce que Paul, dis-je, a déjà fait alors, il le fait encore ici. En effet, comme quand il parlait de la circoncision, il ne disait pas qu’elle était inutile sans les œuvres, mais qu’elle était utile, avec les œuvres, rendant ainsi la même idée en termes plus doux ; et encore comme après avoir dit : « Si tu violes la loi », il n’a pas ajouté ; ta circoncision ne te sert à rien, mais : « Ta circoncision devient une incirconcision » ; puis plus bas : « L’incirconcis ne jugera pas la circoncision, mais te jugera toi, prévaricateur de la loi » ; ménageant ainsi la loi, et accusant les hommes : de même fait-il encore ici.
Car s’étant posé à lui-même l’objection, en disant : « Qu’est-ce donc que le Juif a de plus ? » Il ne répond pas ; Rien, mais il effleure le sujet et détruit par la suite l’objection en démontrant que cette prééminence même a été pour eux une source de châtiments. Comment cela ? Je vais vous le dire, après avoir reproduit l’objection : « Qu’est-ce donc que le Juif a de plus, et à quoi sert la circoncision ? Beaucoup de toute manière. Premièrement, parce que c’est aux Juifs que les oracles de Dieu ont été confiés… (2) ». Le voyez-vous, comme je vous l’ai déjà dit, rappelant les bienfaits de Dieu sans faire aucune mention de leurs mérites. Qu’est-ce à dire : « Ont été confiés ? » Parce qu’on leur avait confié la loi, parce que Dieu les avait estimés au point de les rendre dépositaires de ses oracles. Je sais que quelques-uns appliquent ces mots : « Ont été confiés » aux oracles mêmes et non aux Juifs, ce qui voudrait dire la loi a été confiée : mais la suite ne permet pas cette interprétation. D’abord Paul parle ici par manière d’accusation, et montre aux Juifs qu’ils ont reçu de Dieu de grands bienfaits et se sont montrés extrêmement ingrats. D’ailleurs ce qui suit en donne la preuve, puisqu’il ajoute : « Car qu’importe si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru ? » S’ils n’ont pas cru, dira-t-on, comment les oracles leur ont-ils été confiés ? Que veut donc ; dire l’apôtre ? Que Dieu leur a confié sa parole, mais non qu’ils y ont cru : autrement quel sens aurait la suite ? Car il ajoute : « Qu’importe si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru ? » Ce qui vient après prouve encore le même sens : « Leur infidélité rendra-t-elle vaine la fidélité de Dieu ? Non, sans doute (3) ». Il affirme donc que ce qui leur a été confié est un don de Dieu. Voyez encore ici sa prudence. Il ne leur adresse toujours pas de reproche de lui-même, mais sous forme d’objection, comme s’il disait : Peut-être direz-vous : À quoi bon cette circoncision ? Car ils n’en ont point usé convenablement ; la loi leur a été confiée et ils n’y ont pas cru. Cependant l’accusateur n’est pas violent : c’est en paraissant chercher à justifier Dieu, qu’il fait tomber sur eux tout le reproche. Pourquoi, dit-il, objectez-vous qu’ils n’ont pas cru ? Qu’importe à Dieu ? L’ingratitude de ceux qui ont reçu ses bienfaits détruit-elle ces bienfaits ? Fait-elle que d’honneur ne soit pas un honneur ? Car c’est le sens de ces mots : « Leur infidélité rendra-t-elle vaine la fidélité de Dieu ? Non sans doute ». C’est comme si on disait : J’ai accordé un honneur à un tel ; s’il ne, l’a point accepté, on ne saurait m’en faire un reproche ; cela ne détruit point ma bienveillance, mais prouve son insensibilité. Et Paul ne se contente pas e cela, il dit beaucoup plus, à savoir que non seulement l’incrédulité des Juifs n’est point un motif de reproche envers Dieu, mais qu’elle fait mieux ressortir sa bonté et d’honneur qu’il leur a fait, puisqu’il a honoré un peuple qui devait le déshonorer.
5. Voyez-vous comme il transforme en sujets d’accusation les choses mêmes dont ils se glorifiaient. En effet Dieu les a tellement honorés, que la prévision même de l’avenir n’a point empêché sa bienveillance, et ils se sont servis pour l’outrager de l’honneur même qu’il leur accordait. D’après ces mots : « Qu’importe, si quelques-uns n’ont pas cru ? » Il paraît que tous – ont été incrédules. Pour ne pas emprunter le langage de l’histoire et paraître leur ennemi par la violence du reproche, il prend la forme du raisonnement et du syllogisme pour exprimer la réalité des faits, disant : « Dieu est vrai et tout homme est menteur (4) ». C’est-à-dire. Je ne nie pas que quelques-uns aient été incrédules ; mais supposez, si vous le voulez, que tous l’ont été ; faisant ainsi une concession en passant,