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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/237

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pour ne pas paraître blessant ni suspect. Mais cela même, ajoute-t-il, justifie Dieu. Qu’est-ce à dire, justifie ? Si l’on établissait un jugement et une enquête sur les bienfaits que Dieu a accordés aux Juifs et sur le retour dont ils l’ont payé, la victoire serait à Dieu et il apparaîtrait juste en tout. Après avoir démontré cela par tout ce qu’il vient de dire, il invoque le témoignage du prophète qui dit : « Afin que vous soyez reconnu fidèle dans vos paroles et victorieux quand on vous juge ». (Ps. 50) Il a fait pour eux tout ce qui était en lui et ils n’en sont pas devenus meilleurs. L’apôtre présente ensuite une autre objection qui naît du sujet : « Que si notre iniquité relève la justice de Dieu, que dirons-nous ? Dieu n’est-il pas injuste d’envoyer sa colère ? (Je parle humainement) Point du tout… (5,6) » : Il réfute l’absurde par l’absurde.
Mais comme ceci est obscur, il est nécessaire de l’éclaircir. Que dit-il donc ? Dieu a honoré les Juifs, et les Juifs l’ont déshonoré. Cela lui donne la victoire et fait voir combien il a été bon d’honorer un tel peuple. Mais, dira-t-on, si en l’outrageant et en le déshonorant, nous lui avons assuré la victoire et fait éclater sa justice. Pourquoi sommes-nous punis, nous qui lui avons prouvé le triomphe par nos propres injures ? Comment l’apôtre répond-il ? Je l’ai déjà dit : Par une autre absurdité : Si, dit-il, tu as été la cause de sa victoire et que tu sois néanmoins puni, c’est une injustice ; mais s’il n’est pas injuste et que tu sois puni, c’est que tu n’es pas la cause de sa victoire. Et voyez cette prudence apostolique ! Après avoir dit : « Dieu n’est-il pas injuste d’envoyer sa colère ? » Il ajoute : « Je parle, humainement », c’est-à-dire pour employer le raisonnement humain : car le juste jugement de Dieu surpasse de beaucoup ce qui nous paraît juste, et renferme d’autres motifs mystérieux. Et comme ce langage était obscur, il répète encore la même chose : « Car si par mon infidélité, la vérité de Dieu a éclaté davantage pour sa gloire, pourquoi suis-je encore jugé comme pécheur ? (7) ».
C’est-à-dire : Si par vos désobéissances vous avez fait ressortir la bienveillance, la justice et la bonté de Dieu, non seulement vous ne méritez pas d’être puni, mais vous avez droit à une récompense. Or s’il en est ainsi, voici l’absurdité qui en découlera, absurdité qui a cours chez un grand nombre : à savoir, que le bien naît du mal et que le mal est la source du bien, en sorte qu’il faudrait nécessairement de deux choses l’une : ou qu’en punissant, Dieu se montrât injuste, ou qu’en ne punissant pas, il triomphât par le fait de nos iniquités : deux conséquences souverainement absurdes. En le démontrant, Paul attribue aux Grecs l’invention de ces croyances, et pense que pour réfuter de telles assertions il suffit d’en nommer les auteurs. Car alors ils disaient pour se moquer de nous : Que nous faisons le mal pour que le bien en résulte. Ce que Paul établit clairement par ces paroles : « Et ne ferons-nous pas le mal pour qu’il en arrive du bien, conformément au blasphème qu’on nous impute, et à ce que quelques-uns nous font dire ? La condamnation de ceux-là est juste… (8) ». En effet, comme il avait dit : « Où le péché a abondé, la grâce a surabondé ». (Rom. 5,20), ils le tournaient en dérision et donnant à sa parole un autre sens, ils prétendaient qu’il faut s’attacher au mal pour en faire sortir le bien. Ce n’était point là ce que Paul entendait ; et pour corriger cette fausse interprétation, il dit : « Quoi donc ? Demeurerons-nous dans le péché pour que la grâce abonde ? A Dieu ne plaise ! » (Rom. 6,1-2) Car j’ai parlé des temps passés, dit-il, et non dans le but de faire admettre et pratiquer cette doctrine. Et pour écarter tout soupçon là-dessus, il déclare la chose impossible. « Car », dit-il, « comment nous qui sommes morts au péché, vivrions-nous encore dans le péché ? »
6. Il attaque donc volontiers les Grecs, parce que leur vie était horriblement corrompue ; quant aux Juifs, si leur conduite semblait négligée, ils avaient de puissantes garanties, la loi, la circoncision, leur commerce familier avec Dieu, le titre de docteurs universels. Aussi Paul les dépouille-t-il de ces privilèges, leur démontre-t-il qu’ils n’en seront que plus punis pour les avoir possédés, et c’est par là qu’il conclut ici son discours. En effet, s’ils ne sont pas punis pour avoir fait ce qu’ils ont fait, il faut nécessairement admettre cette parole blasphématoire : « Faisons le mal pour qu’il en arrive du bien ». Or, si c’est là une impiété, si ceux qui la profèrent seront punis (et c’est ce qu’il a établi en disant : « La condamnation de ceux – là est juste »), il est évident qu’ils seront punis. Mais si ceux qui tiennent ce langage méritent