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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/238

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un châtiment, à bien plus forte raison ceux qui le mettent en pratique ; et s’ils méritent un châtiment, c’est qu’ils ont péché. Car ce n’est pas un homme qui punit, un homme dont le jugement pourrait être suspect ; mais Dieu qui agit toujours avec justice. Or, s’ils sont justement punis, c’est que les reproches qu’ils nous adressaient en plaisantant étaient injustes ; car Dieu a tout fait et fait encore tout pour rendre éclatantes et droites nos institutions. Ne nous relâchons donc pas ; et par là nous pourrons arracher les Grecs à leur erreur.
Mais si nous sommes sages en paroles et déréglés dans notre conduite, de quel œil les verrons-nous ? Quel langage leur tiendrons-nous sur les dogmes ? Ils diront à chacun de nous : Toi qui ne fais pas le moindre bien, comment oses-tu prêcher la perfection ? Toi qui ne sais pas encore que l’avarice est un mal, que viens-tu raisonner sur les choses célestes ? Mais tu sais que c’est un mal ? Tu n’en es que plus coupable alors, puisque tu ne pèches pas par ignorance. Mais pourquoi parler des Gentils ? Nos propres lois nous ôtent le droit d’élever la voix, quand notre conduite est déréglée. « Car », il est écrit : « Dieu a dit au pécheur : Pourquoi parles-tu de ma loi ? » (Ps. 49) Les Juifs avaient été emmenés en captivité, et quand les Perses les suppliaient et les pressaient de chanter leurs divins cantiques, ils répondaient : « Comment chanterons-nous les cantiques du Seigneur sur la terre étrangère ? » (Ps. 136) Que s’il n’était pas convenable de chanter les cantiques du Seigneur sur une terre étrangère, combien cela est-il moins permis à une âme étrangère ? Or, telle est l’âme sans pitié. Car si la loi commandait le silence à des captifs, devenus esclaves des hommes sur une terre étrangère ; à combien plus forte raison doivent se taire les esclaves du péché, assujettis à une autre règle de vie ? Pourtant ces Juifs avaient leurs instruments : « Nous avons », disaient-ils, « suspendu nos instruments aux branches des saules (16) », et il ne leur était point permis de s’en servir. Donc, bien que nous ayons une bouche et une langue, qui sont les instruments de la parole, nous ne devons point nous en servir, tant que nous sommes esclaves du péché, le plus impérieux des maîtres étrangers.
Eneffet, dites-moi un peu, vous qui êtes voleur et avare, que pouvez-vous dire au Grec ? Renonce à l’idolâtrie ? Apprends à connaître Dieu ? Ne cherche point l’or et l’argent ? Mais ne se mettra-t-il pas à rire et à vous dire Commence par t’appliquer ce langage ? Car qu’un gentil ou un chrétien soit idolâtre, ce n’est pas la même chose. Comment pourrons-nous détourner un païen de cette idolâtrie, quand nous y sommes livrés nous-mêmes ? Nous sommes plus près de nous que le prochain. Comment persuaderons-nous les autres, si nous ne nous persuadons pas nous-mêmes ? Si celui qui ne sait pas gouverner sa maison, ne sera point chargé de gouverner l’Église, celui qui ne sait pas régler son âme, pourra-t-il corriger celle des autres ? Ne me dites pas que vous ne vous prosternez point devant une statue d’or ; mais prouvez-moi que vous ne faites pas ce que l’or vous commande. Car il y a bien des espèces d’idolâtrie : l’un sert Mammon comme son maître, l’autre son ventre, un troisième quelque passion plus coupable encore. Mais vous ne leur immolez point de bœufs à la manière des gentils ? Vous faites bien pire : vous leur sacrifiez votre âme. Mais vous ne fléchissez pas le genou, vous n’adorez pas ? Sans doute, mais vous faites avec bien plus de docilité tout ce que vous commandent votre. ventre, l’or ou toute autre passion tyrannique ; et c’est en cela même que les Grecs sont abominables, parce qu’ils ont divinisé les passions : l’amour sous le nom de Vénus, la colère sous celui de Mars, l’ivrognerie sous celui de Bacchus.
Si vous ne leur taillez point de statues comme eux, vous ne vous inclinez pas avec moins d’ardeur devant ces mêmes passions, faisant ainsi, des membres du Christ, des membres de prostituée et vous plongeant encore dans d’autres iniquités. C’est pourquoi je vous exhorte, à comprendre l’excès de cette démence et à fuir l’idolâtrie, puisque c’est le nom que Paul donne à l’avarice (Col. 3,5). Et ce n’est pas seulement la cupidité qui s’attache à l’orgueil qu’il faut fuir, mais aussi celle qui a pour objet le désir impur, les vêtements, la table, ou toute autre chose. Car nous serons bien plus sévèrement punis, si nous n’obéissons pas aux lois du Christ. En effet, il est écrit : « Le serviteur qui a connu la volonté de son maître, et ne l’a pas exécutée, recevra un grand nombre de coups ». (Lc. 12,47) Afin donc d’éviter ce châtiment et d’être utiles