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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/271

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étrangère, revenons à la maison paternelle et ne nous rebutons pas de la longueur du chemin. Si nous le voulons, le retour sera facile et très prompt ; seulement sortons de la terre d’exil, de la terre étrangère ; or, cette terre c’est le péché, qui nous emmène loin de la maison de notre père ; quittons donc le péché, pour rentrer vite ad domicile paternel. Car notre père est plein de tendresse, et si nous sommes changés, il ne nous aimera pas moins que ceux qui sont restés sages, il nous aimera même davantage ; puisque le père de l’Enfant prodigue lui fit plus d’honneur qu’à son aîné, et éprouva une joie plus vive pour l’avoir recouvré.
Mais comment retourner, direz-vous ? Commencez seulement, et tout sera fait ; arrêtez-vous dans le vice, n’allez pas plus loin, et vous aurez tout recouvré. Comme, chez les malades, c’est commencer à mieux aller que de ne pas aller plus mal, ainsi en est-il, dans le vice ; n’allez i)as plus loin et votre malice aura son terme. Si vous faites' cela pendant deux jours, le troisième vous aurez plus de facilité à vous abstenir du mal ; puis, à ces trois jours, vous en ajouterez dix, puis vingt, puis cent, puis toute votre vie. Car plus vous, avancerez, plus vous trouverez le chemin facile, et parvenu au faîte, vous jouirez d’une grande abondance de biens : Lorsque le prodigue revint, ce fut un concert de flûtes et de lyres, il y eut des chœurs, des danses et des fêtes ; celui qui avait le droit de demander compte à son fils de sa folle prodigalité et d’une si longue absence, n’en fit rien, le regarda même d’aussi bon œil que s’il se fût bien conduit ; non seulement ne lui fit aucun reproche en paroles, mais ne souffrit pas même qu’il rappelât le passé ; l’embrassa, le combla de caresses, tua le veau gras, le revêtit de la robe et de toute sorte d’ornements.
Nous qui avons ces exemples sous les yeux, prenons donc courage et ne désespérons pas. Car Dieu n’a pas autant de plaisir a être appelé Maître que Père, ni à avoir un serviteur qu’à avoir un fils ; il aime mieux l’un que l’autre. Pour cela il atout fait, il n’a point épargné son fils unique, afin que nous recevions l’adoption et que nous l’aimions, non seulement comme un maître, mais comme un Père. Et s’il obtient cela de nous, il en est comme glorieux et fier, il s’en vante à tout le monde, lui qui n’a nul besoin de ce qui nous appartient.
C’est ce qu’il faisait à l’égard d’Abraham, répétant partout : « Moi, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » ; c’était aux serviteurs à s’en féliciter ; et c’est le Maître lui-même qui s’en glorifie. C’est pour cela qu’il dit à Pierre : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn. 21,17) ; indiquant par là qu’il n’est rien qu’il désire davantage de notre part. Pour cela aussi, il ordonne à Abraham d’immoler son, fils, pour faire voir à tout le monde qu,'il est grandement aimé du patriarche. Or, le désir d’être vivement aimé provient lui-même d’un vif amour. Pour cela encore il disait à ses apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi ; n’est pas digne de moi ». (Mt. 10,37)
6. C’est pour cela qu’il exige que ce que nous avons de plus cher ; notre âme, ne tienne que le second rang après son amour, parce qu’il veut être souverainement aimé de nous. Quand nous n’aimons pas vivement quelqu’un, nous ne nous soucions pas beaucoup de son amitié, fût-il d’ailleurs grand et glorieux ; mais quand nous aimons véritablement, vivement, ne fût-ce qu’un homme de basse condition ; de peu de valeur, nous tenons à grand honneur d’être payés de retour. C’est pourquoi le Christ donnait le nom de gloire, non seulement à : l’amour que nous lui portons mais aux opprobres qu’il a soufferts à cause de nous. Or, l’amour seul leur donnait ce caractère ; tandis que ce que nous souffrons pour lui mérite d’être appelé glorieux, et l’est réellement ; non seulement à cause de l’amour qui l’inspire, mais à cause de la grandeur, et de la dignité de celui que nous aimons.
Pour lui, courons donc aux périls comme à de magnifiques couronnes, et ne regardons point comme choses pénibles et désagréables ; la pauvreté, la maladie, les injures, la calomnie, dès que nous les supportons à cause de lui. Si nous sommes sages, nous tirerons de tout cela de très-grands profits ; et si nous ne le sommes pas, nous ne recueillerons aucun avantage de la situation contraire. Examinez un peu : quelqu’un vous injurie et vous fait la guerre ? Il vous oblige par là à vous tenir sur vos gardes, et vous donne l’occasion de ressembler à Dieu. Si vous aimez l’homme qui vous tend des pièges, vous serez semblable à celui « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». (Mt. 5,45) Un autre vous enlève votre fortune ? Si vous le