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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/285

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unissez à un autre homme. Mais il ne dit pas cela. Que dit-il donc ? « Vous êtes morts à la loi ». Si vous êtes morts, vous n’êtes plus sous le pouvoir de la loi. Si, après la mort de son mari, une femme n’est plus sous la loi, à bien plus forte raison en est-elle affranchie quand elle est morte elle-même. Voyez-vous la sagesse de Paul, comment il prouve que la loi elle-même veut qu’on l’abandonne et qu’on s’unisse à un autre homme ? Elle n’empêche pas, leur dit-il, de s’unir à un autre homme, quand le premier est mort. Comment l’empêcherait-elle, puisqu’elle autorisait un acte de divorce, même du vivant du mari ? Mais l’apôtre ne dit pas cela ; t’eût été un reproche à l’adresse des femmes, car si le divorce était permis, il n’était pourtant pas innocent. Quand Paul a triomphé par des arguments tirés de la nécessité ou de l’évidence, il n’en cherche point de superflus ; car ce n’est point un parleur obstiné. L’étonnant en ceci est que la loi elle-même nous absout du péché quand nous la quittons, en sorte qu’elle-même exige que nous appartenions au Christ. Car elle est morte, et nous aussi ; double raison pour que son autorité soit détruite : Non content de cela, Paul en donne la cause : ce n’est pas sans motif qu’il a parlé de mort ; il met en scène la croix qui a opéré tout cela, et par là il nous rend responsables. Il ne se contente, pas de dire : Vous avez été délivrés ; mais il ajoute : « Par la mort du Seigneur. Vous êtes morts à la loi », dit-il, « par le corps du Christ ». Et ce n’est pas seulement pour ce motif qu’il les exhorte, mais, encore à raison de l’excellence de ce second époux ; c’est pourquoi il ajoute : « Pour être à un autre qui est ressuscité d’entre les morts ». Ensuite pour qu’on ne dise pas : Quoi ! et si nous ne voulons pas nous unir à un autre homme ? la loi sans doute ne traite point d’adultère la veuve qui passe à de secondes noces, mais elle ne l’oblige point à le faire ; de peur, dis-je, qu’on ne : fasse cette objection, il montre que nous sommes obligés de le vouloir d’après les bienfaits que nous avons reçus, ce qu’il exprime ailleurs plus clairement, quand il dit : « Vous n’êtes plus à vous-mêmes ». (1Cor. 6,19) Et encore : « Vous avez été achetés à prix » (Id. 20) ; puis : « Un seul est mort pour nous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux, mais pour celui qui est mort pour eux ». (2Cor. 5,15) Mais déjà ici il l’insinue en disant : « Par le corps ». Ensuite il leur propose de plus hautes espérances, dans le but de les encourager : « Afin que nous portions des fruits pour Dieu ». Car alors, leur dit-il, vous portiez des fruits pour la mort, et maintenant c’est pour Dieu.
« Car lorsque nous étions dans la chair, les passions du péché qui étaient occasionnées par la loi agissaient dans nos membres, en sorte qu’elles faisaient produire des fruits pour la mort (5) ». Voyez-vous le peu de profit du premier mari, c’est-à-dire de la loi ? II ne dit pas : Quand nous étions sous la loi, craignant toujours de donner prise aux hérétiques, mais : « Lorsque nous étions dans la chair », c’est-à-dire, dans les œuvres mauvaises, dans la vie charnelle. Il ne dit pas que ci-devant ils étaient dans la chair, et que maintenant ils sont tout spirituels. En tenant le langage qu’il tient, il n’accuse point la loi d’être la cause des péchés, mais il ne l’exempte point de tout reproche : il joue le rôle d’un accusateur sévère, en mettant les fautes à découvert : en effet celui qui multiplie ses ordres à quelqu’un qui ne veut pas obéir, multiplie par là même les chutes. Aussi ne dit-il point : Les passions des péchés qui se sont commis sous la loi, mais : « Occasionnées par la loi », et il n’ajoute point : Se sont commis, mais simplement : « Par la loi », c’est-à-dire, manifestés, déclarés par la loi. Ensuite peur ne pas accuser la chair, il ne dit pas : Que les membres commettaient, mais : « Qui agissaient dans nos membres » ; montrant d’autre part que le principe du mal était dans l’action de la volonté, et non dans les opérations des membres. Car l’âme ici jouait le rôle d’artiste, et la chair celui de lyre, qui rend les sons que l’artiste lui fait rendre. Si donc la chair rendait un son discordant, ce n’est pas à elle, mais à l’âme qu’il faut s’en prendre.
« Maintenant », dit-il, « nous sommes affranchis de la loi… (6) ». Voyez-vous comme il ménage ici et la chair et la loi ? Il ne dit pas : La loi est détruite, ni : La chair est détruite, mais : « Nous sommes affranchis », Et comment sommes-nous affranchis ? En ce que le vieil homme, esclave du péché, est mort et enseveli ; et c’est le sens de ces mots : « Morts à la loi dans laquelle nous étions retenus » ; comme s’il disait : Le lien par lequel nous étions retenus, est mort, est brisé, en sorte que ce qui nous retenait, à