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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/305

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que d’intérêts et d’intérêts d’intérêts, de profits odieux, de gains ignobles et vils ; aboyant comme un chien contre tout le monde ; haïssant et repoussant tout le monde, faisant sans raison la guerre à tout le monde, ennemi du pauvre, jaloux du riche, désagréable à tous. S’il a une femme, des enfants, des amis, il les regarde comme plus ennemis que des ennemis naturels, s’il n’a pas la liberté de gagner à tout prix, Quoi de pire qu’une pareille folie ? Quoi de plus misérable, puisque, n’ayant qu’un corps, ne servant qu’un ventre, il se crée à lui-même des rochers, des écueils cachés, des précipices, des fossés, des abîmes sans nombre ? Si on vous appelle aux charges publiques, vous vous enfuyez, de peur de la dépense ; mais en sacrifiant à Mammon, vous vous imposez un service bien plus pénible, et non seulement plus coûteux, mais encore plus dangereux ; car vous ne livrez pas seulement à ce tyran cruel de l’argent, des fatigues de corps, des tourments et des peines d’esprit, mais encore votre corps lui-même, pour tirer, misérable que vous êtes, quelque profit de ce barbare esclavage. Ne voyez-vous pas tous les jours ceux qu’on porte au tombeau ; comme ils s’en vont nus, dépouillés de tout, ne pouvant rien emporter de chez eux, mais abandonnant aux vers le linceul même qui les enveloppe ? Contemplez-les chaque jour, et peut-être votre maladie se guérira-t-elle, à moins que l’aspect de somptueuses funérailles n’augmente encore votre folie, car c’est un mal bien grave, c’est une maladie terrible. Voilà pourquoi à chaque réunion nous eu parlons, pourquoi nous en, rebattons si souvent vos oreilles, afin d’obtenir quelque chose à force d’instances.
Du reste ne contestez pas : ce n’est pas seulement au jour du jugement, mais déjà ici-bas que ce mal, si varié dans ses formes, attire de grands châtiments. Car, lorsque je parlerais des prisonniers condamnés à perpétuité, de l’homme cloué sur sa couche par une longue maladie, de celui qui lutte avec la faim, ou de tout autre infortuné, je ne nommerais personne qui souffre autant que les avares. Quoi de plus affreux en effet que de haïr tout le monde, et d’en être haï, de ne vivre en paix avec personne, de n’être jamais rassasié ; d’avoir toujours soif, de lutter continuellement avec la faim, et une faim plus terrible que la faim ordinaire, d’être accablé de soucis quotidiens, de n’être jamais dans son bon sens, d’être toujours dans l’agitation et dans le trouble ? Or les avares subissent ces tourments et bien d’autres encore ; car, même quand ils gagnent, serait-ce la fortune de tout le monde, ils n’en éprouvent aucune satisfaction, à cause du désir de gagner davantage ; et s’ils font une perte, ne serait-ce que d’une obole, ils s’estiment les plus malheureux des hommes, et s’imaginent avoir perdu la vie. Quelles paroles pourraient décrire ces souffrances ? Or, s’il en est ainsi dès ce monde, songez aux maux qui doivent suivre, à la perte du royaume ; aux supplices de l’enfer, aux chaînes éternelles, aux ténèbres extérieures, au ver empoisonneur, au grincement de dents, aux tourments, aux angoisses, aux fleuves de feu, aux fournaises qui ne s’éteignent jamais ; et recueillant tout cela et le comparant aux plaisirs que procurent les richesses, détruisez radicalement cette maladie, afin que, possédant la vraie richesse et délivré de cette affreuse pauvreté, vous obteniez les biens présents et à venir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui, gloire soit rendue au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.