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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/327

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Jésus-Christ, qu’il soit anathème ! » (1Cor. 16,22), c’est-à-dire qu’il soit séparé de tous, étranger à tous. Car comme personne n’oserait porter la main sur un objet consacré à Dieu, ni même s’en approcher de trop près ; ainsi l’apôtre retranchant, repoussant au loin celui qui est séparé de l’Église, lui donne ce nom d’anathème par antithèse, et ordonne que chacun s’en écarte et le fuie avec horreur. Personne n’osait, par respect, s’approcher d’un objet consacré ; par un sentiment contraire, tout le monde s’éloignait de celui qui était retranché de l’Église. En sorte qu’il n’y avait bien qu’une seule et même séparation pour l’un et l’autre cas, mais le genre n’était pas le même ; l’un était le contraire de l’autre. Dans le premier cas, on respectait un objet parce qu’il était consacré à Dieu ; dans le second, on s’éloignait d’un homme séparé de Dieu et retranché de l’Église. Voilà donc ce que Paul entend quand il dit : « Je désirais ardemment être anathème à l’égard du Christ ». Il ne dit pas simplement : Je voulais, mais en termes plus énergiques : « Je désirais ardemment ».
Que si vous vous troublez de ces expressions comme trop faibles, considérez la chose en elle-même : Voyez non seulement ce désir d’être séparé, mais la raison même de ce désir, et vous comprendrez l’excès de cet amour. En effet, il a circoncis Timothée ; néanmoins nous ne nous occupons pas de l’acte, mais de son intention et du motif qui l’animait, et nous ne faisons que l’en admirer davantage.
non seulement il a circoncis, mais il s’est rasé et il a sacrifié ; pour cela nous ne l’avons certes pas appelé Juif ; c’est par là même, au contraire, que nous avons vu qu’il s’éloignait davantage du Judaïsme, qu’il était sincère et véritable disciple du Christ. Si donc en le voyant circoncire et sacrifier, nous ne le condamnons point comme judaïsant, si nous le glorifions au contraire pour s’être par là même séparé du Judaïsme ; ainsi en le voyant désirer ardemment d’être anathème, ne vous troublez pas, mais exaltez-le davantage quand vous saurez la raison de son désir. Si en effet nous ne remontons pas aux causes, nous appellerons Élie homicide, et Abraham non seulement homicide, mais homicide de son fils ; nous accuserons Phinéès et Pierre de meurtres ; et ce n’est pas seulement à l’égard des saints, mais à l’égard de Dieu même, qu’on sera entraîné à beaucoup d’absurdités, faute d’observer cette règle. Pour éviter cet inconvénient, dans tous les cas de ce genre, rapprochons d’abord la cause, l’instruction, le temps ét toutes les circonstances propres à justifier l’action, puis examinons la question. Et c’est précisément ce que nous devons faire ici pour cette âme bienheureuse. Quelle est donc la cause ? Jésus lui-même, l’objet aimé. Or, Paul ne dit pas que ce soit pour luit : je désirerais ardemment, dit-il, être anathème pour mes frères. C’est là un effet de son humilité ; il ne veut pas avoir l’air de faire pour le Christ la grande chose qu’il exprime, aussi dit-il : « Qui sont mes proches », afin de dissimuler la grandeur de la chose ; mais, pour vous convaincre que c’est le Christ qu’il a en vue, écoutez la suite. Après avoir dit : « Qui sont mes proches », il ajoute : « Auxquels appartient l’adoption ; la gloire, l’alliance, la loi, le culte et les promesses ; dont les pères sont ceux de qui est sorti, selon la chair, le Christ même, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen (4, 5) ».
2. Mais quoi ? direz-vous, s’il désirait être anathème afin que d’autres eussent la foi, il devait aussi faire le même vœu pour les gentils ; et s’il ne prie que pour les Juifs, c’est une preuve qu’il n’agit pas par amour pour le Christ, mais en vertu du lien de parenté. Je réponds que s’il n’eût prié que pour les gentils, on n’aurait pas si bien reconnu que c’était Jésus-Christ qu’il avait en vue ; mais en priant pour les Juifs seuls, il fait voir qu’il n’a absolument en vue que la gloire du Christ. Je sais que vous verrez, là, un paradoxe ; cependant, si vous restez calmes, je vais essayer de vous le démontrer. Ce n’est pas sans raison qu’il a parlé ainsi : car comme, tous les Juifs accusaient Dieu en disant : qu’ayant eu l’honneur d’être appelés fils de Dieu, ayant reçu la loi, ayant connu Dieu avant tout le monde, ayant joui d’une si grande gloire, ayant servi Dieu en face de tout l’univers, ayant reçu les promesses, étant les pères des mêmes tribus, et (ce qui était bien plus encore) étant les ancêtres du Christ (comme l’apôtre le dit : « De qui est sorti selon la chair, le Christ même ») que malgré tout cela, ils avaient été rejetés, déshonorés, et qu’à leur place ou avait substitué des gentils qui n’avaient jamais connu Dieu comme, dis-je, ils tenaient ce langage et qu’ils