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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/328

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blasphémaient contre Dieu, Paul qui entendait tout cela, qui s’en trouvait blessé et pleurait sur l’outrage fait à la gloire de Dieu, désirait ardemment être anathème, si cela eût été possible, pour les sauver, pour faire cesser les blasphèmes et empêcher que Dieu ne parût avoir trompé les descendants de ceux à qui il avait promis les dons.
Et pour vous faire comprendre que c’est là ce qui l’afflige et que son désir est bien qu’on ne croie pas Dieu infidèle à la promesse faite à Abraham en ces termes : « Je te donnerai cette terre, à toi et à ta race » (Gen. 12,7) ; à ce qu’il vient de dire, il ajoute : « Non que la parole de Dieu soit restée sans effet » montrant par là qu’il se résigne à souffrir tout cela à cause de la parole de Dieu, c’est-à-dire pour la promesse faite à Abraham. Car comme Moïse semblait intercéder pour les Juifs, et en réalité, n’avait en vue que la gloire de Dieu : « Déposez », disait-il, « votre colère, pour qu’on ne dise pas que leur Dieu les a fait sortir pour les détruire dans le désert, parce qu’il ne pouvait pas les sauver » (Deut. 9,28) ; ainsi fait Paul. Je voudrais, dit-il, être anathème, pour qu’on ne dise pas que la parole de Dieu est restée sans effet, que ses promesses étaient menteuses, que ce qu’il a dit ne s’est pas accompli. Il ne parle donc pas pour les Gentils (car la promesse n’était pas pour eux, et ils n’avaient point servi Dieu, aussi Dieu n’était-il point blasphémé à cause d’eux) ; mais il formait ce vœu en faveur des Juifs, qui avaient reçu la promesse et auxquels il était lié par des nœuds plus étroits. Voyez-vous donc que s’il eût désiré être anathème pour les Gentils, il eût moins évidemment cherché la gloire du Christ ; tandis qu’en désirant l’être pour les Juifs, il fait parfaitement voir que c’est pour le Christ qu’il forme ce vœu.
Aussi dit-il : « Auxquels appartiennent l’adoption, la gloire, le culte et la promesse ». En effet, dit-il, ils ont reçu la loi qui parle du Christ ; ils ont reçu les promesses, qui toutes se rapportent à lui ; lui-même en est sorti, aussi bien que les pères qui ont reçu les promesses ; et pourtant tout le contraire est arrivé, et ils ont perdu tous leurs biens. Voilà pourquoi, ajoute-t-il, je suis affligé, et s’il était possible d’être séparé de la compagnie du Christ, d’être privé, non pas de son amour (loin de là, puisqu’il faisait tout pour l’amour), mais de la jouissance du ciel, mais de la gloire, j’y consentirais pour que Dieu ne fût plus blasphémé, pour ne plus entendre dire que c’est une comédie, qu’autres ont été les promesses, autres les événements ; qu’il est né des uns et qu’il a sauvé les autres ; qu’il avait fait des promesses aux ancêtres des Juifs, puis qu’il a abandonné leurs enfants et appelé à la possession des biens des hommes qui ne l’avaient, jamais connu ; que cependant les Juifs se fatiguaient à méditer la loi et à lire les prophéties, tandis que les païens, ramenés hier de leurs autels et de leurs idoles, leur ont été préférés, que ce n’est point là une Providence. Afin donc, dit-il, que tout cela ne se répète plus de mon Maître, bien que cela soit injuste, je renoncerais volontiers au royaume du ciel, à cette gloire ineffable, je supporterais tous les maux, et je regarderais comme une très-grande compensation de toutes mes peines de ne plus entendre ainsi blasphémer mon bien-aimé. Si vous ne comprenez pas encore la pensée de l’apôtre, songez que souvent bien des pères en font autant pour leurs enfants, se résignant à se séparer d’eux pour les voir glorieux, et préférant cette gloire même à leur compagnie. Mais comme nous sommes à une grande distance de cet amour, nous ne pouvons pas même comprendre ce qui s’en dit.
Il en est qui sont si peu dignes d’entendre le langage de Paul, et qui sont si loin de son ardent amour, qu’ils s’imaginent que ses paroles s’appliquent à la mort temporelle. De ceux-là je dirai qu’ils ne connaissent pas plus Paul que les aveugles la lumière du soleil, et bien moins encore. Comment celui qui mourait tous les jours, qui courait des périls sans nombre, qui s’écriait : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? Est-ce la tribulation ? Est-ce l’angoisse ? Est-ce la faim ? Est-ce la persécution ? » (Rom. 8,35) ; qui, non content de cela, montait au-dessus du ciel et du ciel des cieux, au-dessus des anges et des archanges ; qui parcourait toutes les sphères célestes, et embrassait le présent et l’avenir, le visible et l’invisible, la tristesse et la joie et tout ce qui s’y rattache ; qui n’oubliait rien de ce qui existe, n’en était point satisfait, et supposait encore une autre création qui n’existe pas, pour tout sacrifier à son amour pour Jésus-Christ ; comment, dis-je, après tout cela, viendra-t-il parler de la mort temporelle