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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/329

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comme de quelque chose d’important ?
3. Non, non, ce n’est pas cela ; une telle pensée vient de vers de terre rampant dans le fumier. Si c’était là ce qu’il a voulu dire, comment aurait-il désiré d’être anathème à l’égard du Christ ? Car cette mort l’eût réuni plus tôt à la compagnie du Christ et mis en possession de la gloire éternelle. Il en est d’autres qui osent encore avancer des choses plus ridicules. Ce n’est pas de mourir qu’il souhaitait, disent-ils, mais d’être la possession, le bien propre du Christ. Et quel homme si vil, si déchu, qui n’en souhaite autant ? Comment aurait-il pu l’être pour ses proches ? Laissons donc de côté ces fables et ces niaiseries (car elles ne valent pas la peine d’être réfutées, pas plus que les puérilités que bégayent les enfants) ; revenons au discours de l’apôtre, pour nous délecter dans cet océan d’amour, y nager au large et en toute liberté ; pour contempler cette flamme immense, car tout ce qu’on en peut dire est au-dessous du sujet. En effet, cet amour est plus vaste qu’aucun océan, plus violent que quelque flamme que ce soit, et aucun langage ne saurait l’exprimer dignement ; celui-là seul l’a connu qui l’a si bien éprouvé.
Répétons donc encore ces paroles : « Car je désirais ardemment d’être moi-même anathème ». Qu’est-ce que cela veut dire : « Moi-même ? » Moi qui suis le docteur universel, qui ai obtenu des succès sans nombre, qui attends mille couronnes, qui ai aimé le Christ jusqu’à préférer son amour à tout le reste, qui brûle pour lui chaque jour, et mets cet amour au-dessus de tout. Car il n’avait pas seulement à cœur d’être aimé du Christ, mais de l’aimer ardemment ; et c’était là son principal souci. Aussi n’avait-il point d’autre vue, et supportait-il tout facilement ; en toutes choses il ne visait qu’à ce point : assouvir ce bel amour. Voilà quels sont ses vœux ; mais comme cela ne devait pas être, comme il ne devait pas être anathème, il s’efforce de repousser les reproches, de reproduire les objections qui courent de bouche en bouche et de les réfuter. Mais avant d’entreprendre cette justification, il en pose d’abord les fondements. En effet, quand il dit : « Auxquels appartiennent l’adoption, la gloire, la loi, le culte et les promesses », il n’entend pas autre chose, sinon que Dieu voulait les sauver (c’est ce que Dieu lui-même a prouvé par tout ce qu’il a fait autrefois, par l’origine du Christ né d’eux, et par les promesses faites à leurs pères) ; mais eux, par leur ingratitude propre, on a rejeté les bienfaits. Voilà pourquoi Paul établit des faits, qui prouvent uniquement la bonté de Dieu, mais ne font point leur éloge : en effet, l’adoption était un don gratuit, aussi bien que la gloire, les promesses et la loi. En pensant à tout cela,.et considérant quel immense intérêt Dieu et son Fils attachaient à leur salut, il pousse un grand cri et dit : « Qui est béni dans les siècles, Amen » ; rendant ainsi grâces de tout au Fils unique de Dieu. Qu’importe, nous dit-il, que les autres blasphèment ? Nous qui connaissons ses secrets, sa sagesse infinie, sa grande providence, nous savons parfaitement qu’il mérite d’être glorifié, et non blasphémé.
Non content du témoignage de sa conscience, il essaye encore du raisonnement, et les attaque en termes énergiques, mais non avant d’avoir détruit leur soupçon. Pour ne pas avoir l’air de parler à des ennemis, il dit plus bas : « Mes frères, le désir de mon cœur et mes supplications à Dieu ont pour objet leur salut » (Rom. 10,1) ; et ici même, entre autres choses qu’il dit contre eux, il prend soin d’éviter de paraître agir par un sentiment hostile ; c’est pourquoi il ne dédaigne pas de les appeler ses proches et ses frères. Car bien que, dans tout ce qu’il dit, il n’ait en vue que le Christ, cependant il cherche à se concilier leur esprit, il prépare la voie à ce qu’il va dire, éloigne de lui tout soupçon à l’occasion des reproches qu’il doit leur adresser, et enfin il aborde la question controversée dans la foule.
Beaucoup, en effet, comme je l’ai déjà dit, demandaient pourquoi ceux qui avaient reçu la promesse étaient déchus, et comment ceux qui n’en avaient jamais ouï parler, étaient sauvés avant eux. Pour détruire cette difficulté, il donne la solution avant l’objection. De peur qu’on ne dise : Quoi ! vous vous inquiétez plus de la gloire de Dieu que Dieu lui-même ! Ou encore : A-t-il besoin de votre aide pour que sa parole ne reste pas sans effet ? Pour prévenir ces questions, il dit : Si j’ai affirmé cela, « Ce n’est pas que la parole de Dieu soit restée sans effet », mais j’ai voulu montrer mon amour pour le Christ même. Après tout ce qui s’est passé, nous ne sommes pas embarrassés de justifier Dieu, et de montrer que sa promesse est restée debout. Dieu a dit à Abraham : « Je te donnerai cette terre, pour toi et pour