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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/352

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par là d’une ingratitude extrême, nous serions justement punis du dernier supplice, bien plus sévèrement que nous ne l’eussions été la première fois. En effet, le premier outrage aurait moins fait voir notre ingratitude que le second, infligé après le pardon, après l’honneur reçu. Fuyons donc les maux dont nous avons été délivrés, ne soyons pas reconnaissants seulement en paroles, et qu’on ne dise pas de nous : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais par le cœur, il est loin de moi ». (Ps. 29,13) Comment ne serait-il pas absurde que, pendant que les cieux racontent la gloire de Dieu, vous, pour qui ont été faits ces cieux qui glorifient Dieu, vous fissiez blasphémer par votre conduite celui qui vous a créés ? Aussi ce n’est pas seulement le blasphémateur qui sera puni, mais vous subirez aussi le châtiment. Car ce ne sont pas les cieux qui élèvent la voix pour glorifier Dieu, mais ils y excitent les hommes par leur aspect, et voilà pourquoi on dit qu’ils racontent la gloire de Dieu. Ainsi ceux qui mènent une vie édifiante, glorifient Dieu, même en gardant le silence, parce qu’ils le font glorifier par d’autres. Car le ciel n’excite pas autant l’admiration qu’une vie pure. Aussi quand nous parlons aux gentils, ce n’est pas le ciel que nous leur montrons, mais ces hommes qui étaient pires que des animaux et que Dieu a faits les émules des anges. C’est en leur parlant de ce changement que nous leur fermons la bouche.
6. Car l’homme vaut mieux que le ciel, et il peut donner à son âme une beauté, que le ciel n’a point. Depuis longtemps on voyait le ciel, et cet aspect n’a guère converti ; Paul n’a prêché que peu de temps et il a attiré à lui le monde entier. C’est qu’il possédait une âme qui n’était point inférieure au ciel et capable de tout attirer à elle. Notre âme n’est pas même digne de la terre, et la sienne était comparable aux cieux. En effet, le ciel reste dans ses limites propres, et observe des lois fixes ; mais l’âme de Paul surpassait en hauteur tous les cieux et vivait familièrement avec le Christ même ; et sa beauté était telle que Dieu lui-même la proclamait. Les anges admirèrent les astres au moment de leur création ; mais Dieu lui-même admira Paul, en disant : « Il est pour moi un vase d’élection ». (Act. 9,15) Souvent les nues voilent le ciel ; jamais la tentation n’obscurcit l’âme de Paul ; mais au milieu des tempêtes il paraissait plus brillant que les feux du midi et ne perdait rien de l’éclat qu’il avait avant l’orage. Car le soleil qui brillait en lui lançait des rayons que toutes les tentations réunies ne pouvaient obscurcir, qui en devenaient au contraire plus resplendissants. Aussi Dieu lui disait-il : « Ma grâce te suffit : car ma puissance se fait mieux sentir dans la faiblesse ». (2Cor. 12,9)
Imitons-le donc, et ni ce ciel visible, ni le soleil, ni le monde entier ne seront rien en comparaison de nous, si nous le voulons ; car ils ont été faits pour nous, et non pas nous pour eux. Montrons que nous sommes dignes qu’ils aient été faits pour nous. Si nous nous en montrons indignes, comment serons-nous dignes du royaume ? Et si ceux qui vivent pour blasphémer Dieu sont indignes de voir le soleil, ceux qui blasphèment sont également indignes de jouir des créatures qui glorifient Dieu, comme un fils qui outrage son père ne mérite pas d’être servi par des domestiques fidèles. C’est pourquoi les œuvres de Dieu seront revêtues d’une grande gloire, tandis que nous subirons le châtiment et la vengeance. Combien donc il serait misérable que des créatures formées pour nous, fussent conformes à la liberté de la gloire des enfants de Dieu ; et que nous, devenus enfants de Dieu, nous fussions, par notre extrême lâcheté, perdus et précipités en enfer : nous pour qui ces créatures jouiront d’une si grande félicité !
Pour que cela n’arrive pas, que ceux qui ont l’âme pure, la conservent en cet état ; qu’ils augmentent même son éclat ; mais que ceux qui ont l’âme souillée, ne désespèrent pas pour autant : car il est écrit : « Quand vos péchés seraient couleur de pourpre, je les rendrai blancs comme la neige ; et quand ils seraient comme du safran, je les rendrai blancs comme la laine ». (Is. 1,18) Or, quand Dieu promet, n’hésitez pas, mais faites tout ce qu’il faut pour mériter l’exécution de ses promesses. Vous avez commis une multitude d’iniquités ? qu’importe ? Vous n’êtes pas encore tombé en enfer, où personne ne se confesse plus ; votre rôle n’est pas encore terminé, vous êtes encore dans l’arène, et vous pouvez, par une lutte énergique, réparer toutes vos défaites. Vous n’êtes pas encore descendu où est le mauvais riche, pour vous entendre dire : « Entre vous et nous il y a un abîme » (Lc. 16,26) ; l’époux n’est pas encore arrivé, pour qu’on craigne de vous donner