Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’huile ; vous pouvez encore en acheter et en verser dans votre lampe. Personne ne vous dit encore : « De peur qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous » (Mt. 25,9) ; mais le nombre des vendeurs est grand, ceux qui sont nus, ceux qui ont faim, les malades, les prisonniers. Nourrissez les uns, revêtez les autres, visitez ceux qui sont sur le lit de douleur, et l’huile vous viendra en surabondance. Le jour des comptes n’est pas encore venu. Usez du temps comme il faut ; remettez les dettes, dites à celui qui doit cent mesures d’huile : « Prenez votre obligation et écrivez cinquante ». (Lc. 16, 6) Faites-en autant pour l’argent, pour les paroles, pour tout, à l’exemple de cet économe ; excitez-vous à tenir cette conduite et exhortez-y vos proches. Car vous pouvez encore dire tout cela ; vous n’êtes pas encore dans la nécessité de recourir à un intercesseur ; vous pouvez user de ces conseils et les donner aux autres ; mais quand vous serez sorti de ce monde, vous ne pourrez plus faire ni l’un ni l’autre. Vous qui avez eu de si longs termes, et qui n’avez été utile ni à vous-même ni aux autres, quelle grâce aurez-vous à attendre, quand vous serez aux mains de votre juge ?
Faisant donc ces réflexions, travaillons avec ardeur à notre salut, et ne laissons point échapper les occasions que le temps présent nous offre. On peut, oui, on peut jusqu’au dernier souffle se réconcilier avec Dieu ; on le peut encore même par son testament, non pas cependant autant que pendant sa vie, mais enfin on le peut. Et comment cela ? En inscrivant le Christ parmi vos héritiers, en lui attribuant une part de votre succession. Vous ne l’avez pas nourri pendant que vous viviez ? Au moment du départ, quand vous n’êtes plus en état de jouir, donnez-lui une partie de votre fortune ; il est bon, il ne sera point trop sévère avec vous. Sans doute il eût été plus généreux et plus méritoire de le nourrir pendant votre vie ; mais si vous ne l’avez pas fait, usez au moins de ce second moyen : donnez-le pour cohéritier à vos enfants.. Et si vous hésitez encore, songez que le Père vous a fait cohéritier de son Fils, et dépouillez votre inhumanité. Quelle excuse aurez-vous, si vous refusez de faire entrer en partage avec vos enfants celui qui vous a donné part à son ciel, et qui a été immolé pour vous ? D’autre part, tout ce qu’il a fait, il l’a fait par grâce, et non en acquit de dette, tandis qu’après tant de bienfaits vous êtes devenu son débiteur. Et néanmoins, les choses étant ce qu’elles sont, il vous récompense comme s’il avait reçu un don et non comme ayant recouvré une créance, bien que tout ce qu’il réclame soit à lui.
7. Donnez-lui donc un argent qui désormais vous est inutile, dont vous n’êtes plus le maître, et il vous donnera un royaume dont vous jouirez à perpétuité, et, avec ce royaume, encore tous les biens d’ici-bas. S’il est héritier avec vos enfants, il allégera leur situation d’orphelins, il les garantira de l’injustice, écartera d’eux les embûches, fermera la bouche aux calomniateurs ; et s’ils ne peuvent eux-mêmes pourvoir à l’exécution du testament, il s’en chargera et ne permettra pas qu’on en viole les dispositions, et s’il le permet, il n’en sera que plus empressé à les remplir lui-même avec plus de générosité, dès qu’une fois il y aura été inscrit. Constituez-le donc héritier ; car c’est vers lui que vous devez aller : c’est lui qui doit porter le jugement sur tout ce que vous aurez fait ici-bas. Mais il y a des hommes tellement misérables, tellement aveugles, que, quoique sans enfants, ils refusent de prendre ce parti et aiment mieux distribuer leur fortune à des parasites et à des flatteurs, à un tel ou un tel, qu’au Christ même qui leur a fait tant de bien. Peut-il y avoir quelque chose de plus déraisonnable ? En comparant ces gens-là à des ânes, à des pierres, on n’exprimerait pas encore suffisamment leur stupidité, leur insensibilité ; il est impossible de trouver une image qui peigne leur folie et leur déraison. Comment seraient-ils pardonnables de n’avoir pas nourri le Christ pendant leur vie, quand, sur le point d’aller à lui, ils ne veulent pas même lui laisser une petite partie d’une fortune dont ils ne sont plus les maîtres ; quand ils sont à son égard dans des dispositions tellement malveillantes, tellement hostiles, qu’ils ne lui donnaient aucune part de leurs biens désormais inutiles pour eux ?
Ne voyez-vous pas combien d’hommes ne sont pas même jugés dignes de mourir ainsi, mais sont enlevés par une mort subite ? Mais Dieu vous a laissé la faculté de pourvoir à vos intérêts, de disposer de votre fortune et de mettre ordre à tout dans votre maison. Quelle sera donc votre excuse, si malgré la grâce qu’il vous accorde, vous abusez des bienfaits et adoptez une conduite diamétralement opposée à