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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/354

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celle de vos pères dans la foi ? Car ils vendaient, de leur vivant, tout ce qu’ils possédaient et en apportaient le prix aux pieds des apôtres ; et vous, vous ne donnez pas même en mourant la moindre portion de votre bien aux indigents. Certes il serait bien meilleur, bien plus rassurant, de soulager les pauvres pendant sa vie ; mais si vous ne le voulez pas, faites au moins, en mourant, quelque acte de générosité. Ce n’est pas là une preuve de grand amour pour le Christ : c’est de l’amour pourtant. Vous ne seriez pas sans doute au premier rang parmi les agneaux ; mais ce n’est pas peu de chose d’être avec eux, et non à gauche, au milieu des boucs. Si vous ne faites pas cela, quel salut pouvez-vous espérer, quand la crainte de la mort, l’inutilité de votre fortune, l’intérêt de vos enfants, l’espoir d’obtenir vous-même une grande indulgence dans l’autre vie, n’ont pu vous inspirer des sentiments d’humanité ?
C’est pourquoi je vous exhorte à donner, pendant que vous vivez, la plus grande partie de votre bien aux pauvres. S’il en est qui aient l’âme assez étroite pour s’y refuser, qu’ils deviennent au moins humains par nécessité. Pendant votre vie, vous vous attachiez à votre fortune comme si vous eussiez été immortel mais maintenant que vous savez que vous êtes mortel, renoncez à vos desseins, et disposez de vos biens comme un homme qui doit mourir, ou plutôt comme un homme qui doit jouir d’une vie immortelle. Bien que ce que je vais vous dire soit désagréable et même enrayant, il faut cependant que je vous le dise : Comptez le Seigneur parmi vos esclaves. Vous affranchissez des esclaves ? Affranchissez le Christ de la faim, du besoin, de la prison, de la nudité. Ces mots vous font frissonner ? Ce sera bien plus terrible, si vous ne le faites pas. Ce langage vous frappe aujourd’hui de stupeur ; mais quand vous serez sorti de ce monde, quand vous entendrez des choses bien autrement terribles, quand vous verrez des supplices que rien ne peut adoucir, que direz-vous ? A qui recourrez-vous ? Quel aide, quel défenseur invoquerez-vous ? Sera-ce Abraham ? Il ne vous écoutera pas. Sera-ce les vierges sages ? Elles ne vous donneront point d’huile. Sera-ce votre père, votre aïeul ? Mais aucun d’eux, quelque saint qu’il soit, n’aura le pouvoir de faire révoquer cette sentence. Par toutes ces considérations, priez, suppliez, rendez-vous propice Celui qui peut seul effacer votre cédule et éteindre les flammes ; dès ce moment nourrissez-le, revêtez-le sans relâche ; afin de sortir de ce monde avec de bonnes espérances et de jouir dans le ciel des biens éternels. Puissions-nous tous les obtenir par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit, avec le Père et l’Esprit-Saint, la gloire, l’honneur et l’empire, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.