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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/356

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d’où est venu cet aveuglement ? Il en a dit les causes plus haut et a tout fait retomber sur leur tête, en montrant que leur obstination déplacée leur a attiré ce malheur. Il le répète encore ici. Car après avoir dit : « Des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour, ne pas entendre », il n’accuse plus que leur esprit de contention. En effet, ayant des yeux pour voir les miracles, et des oreilles pour entendre la merveilleuse doctrine, ils n’ont pu en faire l’usage convenable. Par ce mot : « A donné », n’entendez pas une action directe, mais la permission. Par l’expression : « Torpeur », Paul veut dire une disposition de l’âme pour le mal, laquelle n’est pas susceptible de guérison ni de, changement. David a dit ailleurs : « Afin que ma gloire soit un hymne a votre honneur et que je ne tombe pas dans la torpeur » (Ps. 29), c’est-à-dire : pour que je ne change pas. Car de même que celui qui est fixé dans la piété, ne change pas aisément ; ainsi celui qui est fixé dans le mal, ne change pas non plus avec facilité : car être fixé n’est pas autre chose que d’être attaché et comme cloué. C’est donc pour indiquer leur volonté incorrigible, difficile à changer, qu’il emploie cette expression : « Esprit de torpeur ».
Ensuite pour prouver que leur incrédulité sera punie du dernier supplice, il ramène encore le prophète qui fait les mêmes menaces, mais menaces qui ont eu leur exécution. « Que leur table », dit David, « devienne pour eux lacet, piège et scandale (9) ». C’est-à-dire que la volupté, que tous les biens changent et disparaissent, et qu’ils deviennent – eux-mêmes faciles à vaincre pour tous. Et pour montrer que ces maux sont la punition de leurs péchés, il ajoute : « Et rétribution. Que leurs yeux s’obscurcissent pour qu’ils ne voient point, et faites que leur dos soit toujours courbé (10) ». Tout cela a-t-il encore besoin d’interprétation ? N’est-ce pas clair pour les moins intelligents ? Mais avant toutes nos paroles, l’événement même a prouvé la vérité de ce que nous venons de dire. Quand en effet sont-ils devenus si faciles à vaincre ? Quand donc ont-ils été si aisément pris ? Quand Dieu leur a-t-il fait courber le dos ? Quand ont-ils subi un tel esclavage ? Et le pire c’est que ces malheurs sont irréparables ; ce à quoi le prophète fait aussi allusion. Car il ne dit pas simplement : « Faites que leur dos soit courbé », mais : « Toujours courbé ». Et si vous disputez sur le résultat final, ô Juif, que le passé vous éclaire sur le présent. Vous êtes descendu en Égypte ; mais après deux cents ans, Dieu s’est empressé de vous délivrer de cet esclavage, malgré votre impiété et votre horrible fornication ; vous avez été tiré de l’Égypte, et vous avez adoré le veau d’or, vous avez immolé vos fils à Béelphégor ; vous avez profané le temple ; vous avez commis toute espèce de crimes ; vous avez méconnu la nature elle-même ; vous avez rempli de vos sacrifices impies les montagnes, les vallées, les collines, les fontaines, les fleuves, les jardins ; vous avez tué les prophètes, vous avez démoli les autels, vous avez porté au plus haut degré le vice et l’impiété ; et cependant après vous avoir livré aux Babyloniens pendant soixante-dix ans, il vous a rendu votre première liberté, le temple, la patrie, et même l’antique forme de la prophétie ; et les prophètes sont revenus et aussi la grâce de l’Esprit. Bien plus vous n’avez pas même été délaissé pendant le temps de la captivité, mais vous avez vu, là, Daniel et Ezéchiel, Jérémie en Égypte, et Moïse dans le désert.
2. Et, après tout cela, vous êtes retourné à votre première malice, vous avez été saisi de vertige, vous avez adopté les lois des gentils sous l’impie Antiochus ; puis, livrés pendant un peu plus de trois ans à ce même Antiochus, vous avez remporté sous les Macchabées de glorieuses victoires. Maintenant plus rien de semblable, mais tout le contraire : et ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que la malice a cessé et que la punition s’est aggravée et qu’il n’y a plus d’espérance de changement. Voilà, non pas soixante-dix, ni cent, ni deux cents, mais bien plus de trois cents ans passés, et il n’y a pas une lueur d’espoir, et cela quand vous ne commettez plus l’idolâtrie ni les autres crimes dont vous vous souilliez autrefois.
Quelle en est donc la cause ? La vérité a succédé à la figure, la grâce a exclu la loi ; ce que le prophète avait prédit autrefois en disant : « Et faites que leur dos soit toujours courbé ». Voyez-vous l’exactitude de la prophétie, comme elle a annoncé d’avance l’incrédulité, signalé l’esprit de contention, désigné le jugement qui devait suivre, et prédit une punition sans terme ? Comme beaucoup de Juifs des plus grossiers ne croyaient point à l’avenir et voulaient en juger d’après le