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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/38

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reproché trop vivement leurs désordres. Il est probable qu’après cette première épître la même raison le détermina à ne pas faire ce voyage, sans que l’Esprit s’y opposât. Dans le principe, sans doute, l’Esprit-Saint s’y opposait ; mais ensuite il se convainquit lui-même que c’était le parti le plus sage ; après y avoir mûrement réfléchi.
Voyez maintenant de quelle manière il parle de lui. Je ne cesserai de vous le faire remarquer, c’est par les contraires qu’il se justifie toujours. Les Corinthiens pouvaient avoir de fâcheux soupçons ; ils pouvaient dire : si vous n’êtes pas venu, c’est que vous nous détestiez. Il leur affirme tout le contraire : s’il n’a pas voulu se rendre à Corinthe, c’est par amour pour les Corinthiens. Que signifie cette parole : « par ménagement pour vous ? » J’ai appris, dit-il, que plusieurs d’entre vous s’étaient rendus coupables de honteux désordres ; et je n’ai pas voulu vous contrister par ma présence. Il m’aurait fallu faire une enquête, condamner, châtier, punir un grand nombre de fidèles. J’ai cru qu’il valait mieux ne pas aller à Corinthe, et vous donner le temps de faire pénitence, que de m’y, rendre pour vous punir et m’irriter contre vous. Il exprime nettement sa pensée à la fin de son épître, en disant : « Je crains, qu’une fois à Corinthe, Dieu ne m’humilie auprès de vous, et que je n’aie à verser des larmes sur plusieurs qui, après avoir péché, n’ont point fait pénitence de leur impureté et de leurs fornications ». (2Cor. 12,21) II semble vouloir ici s’excuser ; mais cependant quel reproche et quel sujet d’effroi ! Ne leur montre-t-il pas les châtiments qu’ils ont encourus, et qu’ils subiront, s’ils ne se corrigent au plus tôt. Il y revient vers la fin de son épître : « Si je vais à Corinthe », leur dit-il, « je ne vous épargnerai point ». Ici son langage est plus clair ; tout à l’heure, au début de sa lettre, il s’exprimait avec plus de ménagement. Et encore cherche-t-il à tempérer, à mitiger ce qu’il vient de dire. C’est, en effet, le langage d’un homme qui jouit d’une pleine autorité ; on ne ménage, en effet, que ceux-là seulement contre lesquels on peut sévir. Il l’adoucit donc et voile pour ainsi dire ce qu’il pourrait avoir de trop dur en disant : « Ce n’est pas que nous tyrannisions votre foi (24) » ? C’est-à-dire, ce n’est point pour faire valoir mon autorité que je me suis servi de ces expressions : « Je voulais vous ménager, en m’abstenant de venir à Corinthe ». Il n’a pas dit : « vous tyranniser », mais « tyranniser votre foi » ; paroles qui renferment plus de douceur et de vérité. Qui en effet pourrait forcer à croire celui qui s’y refuse ?
« Mais nous cherchons à contribuer à votre joie ». Votre joie n’est-elle pas la nôtre ? Aussi ne suis-je pas allé à Corinthe, de peur de vous contrister, et d’augmenter ainsi ma propre tristesse ; mais je suis resté, pour que vous puissiez vous réjouir, une fois corrigés par mes menaces. Votre joie est le but constant de nos efforts : car nous la partageons nous-mêmes. « Car vous êtes fermes dans la foi ». Voyez quelle modération ! Il craint de les réprimander trop vivement, parce que dans sa première lettre il les avait traités sévèrement, et qu’ils avaient témoigné quelque repentir n’eût-ce pas été compromettre cet heureux résultat, que de leur adresser les mêmes reproches après leur conversion ? Aussi cette seconde épître est-elle moins sévère que la précédente.
« J’ai donc résolu de ne pas aller de nouveau et vous voir dans la tristesse (1) ». En disant, « de nouveau » ; il leur montre qu’ils lui ont causé du chagrin ; et tout en paraissant s’excuser, il leur reproche leur conduite. Si déjà ils l’avaient contristé et qu’ils dussent le contrister encore, jugez quel serait alors son chagrin ! Il ne leur dit donc pas : vous, m’avez contristé ; il emploie un autre tour pour leur faire entendre sa pensée : « Je ne suis pas venu », leur dit-il, « afin de ne pas vous affliger », paroles qui ont la même force, sans renfermer rien dé blessant. « Si en effet, je vous contriste, et qui donc me réjouit, sinon celui qui est contristé par moi (2) » ; quelle est ici la liaison du discours ? La liaison est très-grande. Voyez en effet : Je n’ai pas voulu, dit-il, me rendre à Corinthe pour ne pas vous contrister davantage en vous blâmant, en vous reprochant avec indignation tous vos désordres. Mais ensuite, comme il y a dans ces paroles une certaine dureté, comme elles reprochent aux Corinthiens une conduite propre à contrister le cœur de l’apôtre, il les tempère en disant : «. Si je vous contriste, qui donc me réjouira, sinon celui-là même qui est contristé par moi ? » Et voici le sens de ces expressions : S’il m’arrivait d’être plongé dans la douleur par la nécessité de vous adresser quelques reproches, et de vous voir ensuite contristés