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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/388

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Dieu est le plus tendre des pères. Voyez donc comment il s’y prend, pour punir et montrer en même temps son amour ; ou plutôt il ne punit pas, il se borne à redresser. Le Seigneur, en effet, ne le tue pas, il l’assujettit à trembler, pour se purifier de son crime, pour revenir ainsi à l’amour de Dieu, pour se réconcilier avec son frère mort, car Dieu ne voulait pas que le meurtrier quittant la vie fût encore l’ennemi de celui qui était mort. Voilà comment font ceux qui aiment, quand on ne répond pas à leurs bienfaits par de l’amour ; ils deviennent alors malgré eux, violents, menaçants ; ils ne le sont pas de gaieté de cœur, mais (amour les y porte parce qu’ils veulent attirer à eux ceux qui les méprisent. Quelle que soit la contrainte qui se mêle à une telle affection, ceux qui aiment beaucoup y trouvent cependant une consolation ; c’est ainsi que le châtiment même vient de l’affection. Ceux qui se soucient peu d’être haïs, ne tiennent pas non plus à punir. Voyez Paul, de son côté, disant aux Corinthiens : « Quel est celui qui peut me réjouir, si ce n’est celui qui s’attriste à cause de moi ? » (2Cor. 2,2) Ainsi c’est quand il menace du châtiment qu’il montre son amour. De même c’est parce que l’Égyptienne avait pour Joseph un violent amour, qu’elle le livra à la peine. Mais celle-ci ne voulait que le mal, parce que son amour était impudique ; Dieu, au contraire, ne veut que le bien, car son amour est digne de lui. Voilà pourquoi il ne dédaigne pas de s’abaisser aux lourdes expressions de la parole humaine, et de se donner la qualification de jaloux : « Je suis », dit-il « un Dieu jaloux » ; c’est pour vous apprendre l’intensité de son amour. (Ex. 20,5)
Aimons-le donc comme il veut être aimé ; Dieu attache un grand prix à notre amour. Si nous nous détournons de lui, il reste, il nous provoque ; et si nous refusons de nous retourner vers lui, il nous punit, parce qu’il nous aime, et non parce qu’il veut se venger. Voyez donc ce qu’il dit dans Ézéchiel, à la ville qu’il aimait, et qui lui répondait par des mépris « Je susciterai contre vous ceux que vous aimiez, et je vous livrerai entre leurs mains, et ils vous lapideront, et ils vous égorgeront, et mon zèle pour vous vous sera retiré, et je me reposerai et je ne m’occuperai plus de « vous ». (Ez. 23,22) Que dirait de plus un amant passionné, méprisé par celle qu’il aime, et ensuite embrasé de nouveau de son amour ? Il n’est rien que Dieu ne fasse pour être aimé de nous ; il n’a pas même épargné son Fils. Mais nous sommes intraitables et cruels. Devenons enfin sensibles, aimons Dieu comme il faut l’aimer, faisons-nous une volupté de la vertu. Avec une femme qu’on aime on ne sent rien des douleurs qui attristent la vie chaque jour ; avec cet amour divin, ce pur amour, songez quels sont les délices et les plaisirs. Voilà, oui, voilà le royaume des cieux, voilà les vraies jouissances, voilà la volupté, voilà la sérénité, la joie, la béatitude. Mais quoi que je dise, je ne dirai rien qui soit digne d’un tel sujet, l’expérience seule peut révéler ce qu’est en soi un tel bien. Aussi le prophète disait-il : « Mettez vos délices dans le Seigneur ; et goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ». (Ps. 36,4, et 33,9) Obéissons donc, et plongeons-nous dans les délices du divin amour. Car, par ce moyen, même d’ici-bas nous verrons peut – être le royaume des cieux, et nous commencerons à vivre de la vie des anges ; quoique séjournant sur la terre, nous n’aurons rien à envier aux habitants du ciel, et, après notre départ, nous nous tiendrons rayonnants de splendeur devant le tribunal du Christ, et nous jouirons d’une gloire ineffable ; puissions-nous tous l’obtenir par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.